À Philippe Burty.
Je pense quelquefois qu’à ceux-là seulement
Que vierges elle a pris, la Mort laisse leur âme
Comme une récompense ou comme un châtiment.
Ils aimeront ailleurs plus implacablement,
Ces âpres dédaigneux de l’amour de la femme ;
- Car, plus que nos désirs, leurs rêves sont cruels.
Et seuls, ils connaîtront, après l’humaine vie,
L’éternel renouveau des cieux spirituels,
Où se rafraîchira leur âme inassouvie.
- Je ne sais, cependant, si je leur porte envie :
Leur chimère peut-elle égaler les douceurs
Dont s’enchante, pour nous, votre beauté fragile,
Cher et vivant troupeau de mes terrestres sœurs ?
Entre vos bras féconds, nous, les fils de l’argile,
De l’immortalité rapides possesseurs,
Nous léguons à des fils l’heur de nous faire vivre,
Puis vers le grand repos cheminons sans remord ;
Car chaque volupté dont l’Amour nous enivre
Comble un peu du néant que nous garde la Mort !
— Et tous meurent pourtant, pleins du rêve de suivre,
Par delà l’inconnu visible des tombeaux
Et l’horizon banal où se clôt la matière,
Des chemins infinis vers des mondes plus beaux,
Et nul ne croit avoir vécu sa vie entière.
Vienne la floraison des divins renouveaux !
— Mais son enchantement n’est qu’ironie et leurre
S’il ne te rend à nous, ô spectre radieux,
Lumière de la voie et délices de l’heure,
Corps féminin pareil au souvenir des dieux !
— Car, si tu ne renais, toi seul vaux qu’on te pleure.
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