C’est l’heure où les camions se gavent de poubelles
Où les bistrots bâillent encore et dorment les hôtels
Où je marche sans souvenir d’une nuit trop lointaine
C’est l’heure
C’est l’heure où les ruelles toilettées se croient belles
Où les bouches d’égout n’ont plus mauvaise haleine
Bref c’est l’heure où la ville se nettoie les veines
C’est l’heure
C’est l’heure où les cartons se déplient sur l’asphalte
Sous un ciel éclairci tirant sur le cobalt
S’éveillent leurs résidents résidus d’société
C’est l’heure
C’est l’heure où l’amnésie a des relents de malt
Où ma pupille encore un peu trop dilatée
Refuse la lumière et la vérité
C’est l’heure
On m’a volé la lune
Quand j’allais la toucher
Où est passée la brune
Qui semblait la porter
L’heure où sur les trottoirs quelques menus moineaux
Semblent prendre la pose en attendant Doisneau
Et au bruit de mes pas s’envolent à tire-d’aile
C’est l’heure
C’est l’heure des petits crème et des kiosques à journaux
L’heure où l’on voit, sous les halles où les caisses s’amoncellent
Les couleurs primeurs éclore en ribambelles
C’est l’heure
C’est l’heure où les baisers ont le goût du café
Où des lèvres en croissants de sourire émietté
Portent des mots d’amour sublimés d’habitude
C’est l’heure
C’est l’heure où tous les rêves vont être assassinés
Par l’aiguille acérée de l’exactitude
Où les corps vont se plonger dans la multitude
C’est l’heure
C’est l’heure où je vais me coucher…
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