Réquisitoire contre François de Closets
12 octobre 1982
Françaises, Français,
Belges, Belges,
Nantonoises, Nantonoirs,
Mon président mon petit chien,
Maître ou ne pas mettre,
Consternante raclure du barreau de mes deux chaises, Monsieur le metteur des pieds dans le petit plat dans les grands,
Mesdames et messieurs les jurés, Public chéri, mon amour.
Bonjour ma colère, salut ma hargne, et mon courroux...
Coucou.
Point n'est besoin, mesdames et messieurs, de voir et d'écouter longtemps l'accusé François de Closets ici présent pour se rendre à l'évidence : c'est un garçon. Quant à la question que nous nous posons tous, elle est la suivante : vous vous demandez, je me demande, il ou elle se demande, nous nous demandons tous si, oui ou non, Nantes est bien en Bretagne.
La somme des recherches que j'ai entreprises dans ce domaine est considérable, et pas seulement de lapin.
Pour savoir si Nantes est bien en Bretagne, mesdames et messieurs les jurés, nous allons procéder scientifiquement. Car c'est seulement de la science que peut jaillir la lumière ! Cela nous le savons, et pas seulement de Marseille. François de Closets le sait bien, lui, que sans la science l'homme ne serait qu'un stupide animal sottement occupé à s'adonner aux vains plaisirs de l'amour dans les folles prairies de l'insouciance, alors que la science, et la science seule, a pu, patiemment, au fil des siècles, lui apporter l'horloge pointeuse et le parcmètre automatique sans lesquels il n'est pas de bonheur terrestre possible. Sans la science, misérables vermisseaux humains, combien d'entre vous aujourd'hui connaîtraient Maître Capello ? N'est-ce pas grâce aux progrès fantastiques de la science qu'aujourd'hui l'homme peut aller en moins de trois heures de Moscou à Varsovie ? Et s'il n'y avait pas la science, malheureux cloportes boursouflés d'ingratitude aveugle et d'ignorance crasse, s'il n'y avait pas la science, combien d'entre nous pourraient profiter de leur cancer pendant plus de cinq ans ? N'est-ce pas le triomphe absolu de la science que d'avoir permis qu'aujourd'hui, sur la seule décision d'un vieillard californien impuissant ou d'un fossile ukrainien gâteux, l'homme puisse en moins d'une seconde faire sauter quarante fois la planète sans bouger les oreilles ?
Ce n'est pas moi qui l'affirme, Dieu me tripote, c'est Fucius qui l'a dit et il avait oublié d'être con : « Une civilisation sans la science, c'est aussi absurde qu'un poisson sans bicyclette. »
Aussi bien allons-nous procéder scientifiquement !
Pour savoir si Nantes est bien en Bretagne, prenons une Nantaise. Une belle Nantaise. L'œil doit être vif, le poil lisse. Portons-la à ébullition. Que constatons-nous ? Nous constatons que la Nantaise est biodégradable. De cette expérience, nous pouvons immédiatement tirer une conclusion extrêmement riche en enseignements, que je résumerai en une phrase : « Nantaise bouillue, Nantaise foutue. »
C'est prodigieusement intéressant, direz-vous, pour peu que vous soyez complètement tarés, mais cela ne nous dit pas avec précision si la Nantaise est bretonne, ou con, ou les deux. Qu'à cela ne tienne. Nous allons procéder à une seconde expérience. Pour cette expérience, nous n'aurons pas besoin d'une Nantaise. Son petit chat suffira (quand je dis le chat je pense au minou). En effet, comme tout le monde le sait, les chats authentiquement bretons sont les seuls chats au monde qui transpirent. Si nous arrivons à démontrer que les chats de Nantes transpirent, nous aurons par là même prouvé au monde stupéfait par tant de rigueur scientifique que les chats de Nantes sont bretons. Or, si leurs chats sont bretons, les Nantaises aussi, ou alors y a de quoi se flinguer.
Donc prenons un chat nantais. À l'aide d'un entonnoir que nous lui enfonçons dans la bouche, gavons-le de deux ou trois litres de White Spirit. Attention : la pauvre bête va souffrir atrocement, c'est pourquoi nous vous conseillons de lui couper préalablement les pattes, ou de mettre des gants de cuir avant de commencer le gavage. Quand minou est gonflé de White Spirit, prenons un mérou, un mérou que nous appellerons François parce que certains l'appellent François. Portons-le à ébullition. Tandis que le mérou bout, approchez-vous du chat. Enflammez une allumette. Que se passe-t-il ? Eh bien, c'est simple, quand le mérou bout, le chat... pète, alors qu'au contraire quand le chat bout, le mérou...
Alors, alors, bandes de nullités ignares, qu'est-ce que cela prouve, scientifiquement ? Tout simplement, cela prouve à l'évidence que le chat nantais est bien un chat breton. Car si ce chat gavé d'essence explose près d'une flamme cela prouve bien qu'il transpire, non ? Et s'il transpire (CQFD), c'est qu'il s'agit bien d'un chat breton, car seuls les chats véritablement bretons sont poreux, comme le souligne magnifiquement le magnifique hymne de la Bretagne libre (chantant) : « Ils ont des chats poreux, vive la Bretagne. Us ont des chats poreux, vive les Bretons. » C'est pourquoi, si tant est que d'aucuns en douteraient encore, la preuve est maintenant faite : François de Closets est coupable.
Une étude approfondie de son prénom nous en dirait long sur les tendances caractérielles de ce sinistre cuistre ricanant qui cache hypocritement sous un constant sourire de bienséance toute la rouerie benoîte et compassée inhérente à la plupart des François. Attention, Dieu me tripote ! Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit. J'ai dit « la plupart ». Et je le maintiens : la plupart des François sont fourbes. Mais pas tous ! Il y en a d'autres qui sont cons.
Et puis, d'ailleurs, quel crédit scientifique accorder à ces méthodes soi-disant analytiques ou pseudo-psychologiques qu'utilisent ces sorciers des temps nouveaux que sont les faux médiums, les astrologues de gouttière, et toutes ces voyantes presbytes et boule en main, qui caressent leur vieux chat qui bâille en s'excitant sur votre Uranus au creux des boudoirs infâmes de leurs sanctuaires impies.
Non. Chères Nantonoises, chers Nantonoirs, non, croyez-moi, seule la science est digne de foi, et c'est par la science que l'homme triomphera de ses misères.
Les deux tiers des enfants du monde meurent de faim, alors même que le troisième tiers crève d'un excès de cholestérol. C'est scientifiquement que nous sauverons ces enfants, il le faut, car c'est un devoir sacré, il faut que ces enfants vivent ! Il nous faut leur ouvrir nos bras et nos cœurs, il nous faut les accueillir maintenant, vite, et n'importe où - mais pas chez moi, y a pas la place à cause du piano.
Avant de céder la parole à Pinocchio, mesdames et messieurs, je voudrais une ultime fois saluer ici les hommes qui ont fait avancer la science dans le monde.
Gloire à toi, Archimède, qui fus le premier à démontrer que quand on plonge un corps dans une baignoire, le téléphone sonne.
Gloire à Li yu Fang, qui inventa le thé au jasmin, à Pythagore, qui inventa le thé au rhum !
Gloire à Galilée, qu'on toiture pendant que Coper nique !
Gloire à Pasteur, qui combat les enragés, et à Roux, qui combat l'osier !
Gloire à Maurice Ravel, qui enfanta d'un seul coup du boléro sans manches et de l'adagio d'Albicoco, et gloire enfin à monsieur William Saurin, qui a plus fait pour le haricot vert filandreux que Thomas Edison pour la télégraphie sans fil.
Donc François de Closets est coupable, mais son avocat vous en convaincra mieux que moi.
François de Closets : Ce journaliste scientifique a entrepris de dénoncer les abus de l'administration quand il a appris que les éboueurs du 16e arrondissement avaient droit à DEUX douches par jour.
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