???I.
Pour avoir un bon Roi, un Conseil juste et sage,
Un peuple obéissant, et une ferme paix,
L'état n'est sûr pourtant : le calme suit l'orage,
Aux plus beaux jours on voit les brouillards plus épais.
???II.
Homme, bien que tu sois du Ciel originaire,
N'entreprends pas d'aller du pair avec ton Dieu :
Il est Roi souverain, tu es Roi tributaire,
Tu n'occupes qu'un corps, et il est en tout lieu.
???III.
Le plus grand Éléphant est le chef de sa bande,
Le plus fort des Taureaux va devant le troupeau :
A qui veut commander aux hommes on demande,
Non la grandeur du corps, mais celle du cerveau.
???IV.
Il semble que d'un Roi la Majesté s'éclipse,
S'il n'a des serviteurs grand nombre autour de soi :
Il est beau de tirer de plusieurs du service,
Mais quel est ce bonheur qui dépend de leur foi ?
???V.
Pour faire des Palais des marbres on assemble,
Pour faire des Vaisseaux on prépare du bois :
Mais toutes les vertus il faudroit mettre ensemble
Pour instruire les fils des Princes et des Rois.
???VI.
La science aujourd'hui est une terre en friche,
Elle n'a plus des Rois le Soleil au Levant :
On voit le Philosophe à la porte du riche,
Le riche rarement visite le savant.
???VII.
La main n'oblige point si le coeur ne l'ordonne,
Ce qui ne vient de lui n'a grâce ni faveur :
Celui donne beaucoup qui soi-même se donne ;
Celui ne donne rien qui réserve le coeur.
???VIII.
Ce désir de courir de Province en Province
Ne donne aux voyageurs ce qu'il leur a promis,
Ils ne changent d'humeurs changeants d'air et de Prince
Ils font plusieurs logis et trouvent peu d'amis.
???IX.
En vain de la raison l'esprit capable on nomme,
Qui sage à la raison son coeur n'assujettit :
Beaucoup inférieur est à la bête l'homme,
Si la raison ne tient en bride l'appétit.
XL.
Pour penser tout savoir l'entendement se plonge
En l'ignorance, et trouve enfin qu'il ne sait rien :
Il fuit la vérité pour suivre le mensonge,
Et s'égare souvent présumant d'aller bien.