Vieille maison
Nérée Beauchemin

Poème Vieille maison

Ne fut-il pas bâti par quelque duchesse Anne
Ce logis d’ancien noble et de petit seigneur
Qui nous offre, fleuri de grâce paysanne,
Le portique amical de son perron d’honneur!

Le mur n’est pas creusé de la niche à treillage
Où le naïf aïeul plaçait le saint patron,
Mais, suivant la coutume, une pieuse image,
De la porte dévote, orne encore le front.

Comme le buis pascal et la rose bénite,
Pour celui qui l’expose avec dévotion,
L’image, sur le toit que la famille habite
Fait descendre du ciel la bénédiction.

Vieilles maisons! Chacune, ont leur Jésus, leur Vierge,
Leurs saints de confiance et leurs saintes de choix;
Elles aiment offrir le bouquet et le cierge,
L’une, au bon saint Joseph, l’autre, au bon saint François.

Sous l’arche des auvents que spiritualise
Le candide dessin d’un mystique imagier,
Comme on passe et repasse un portique d’église,
Passe et repassera le peuple du foyer.

La bonne duchesse Anne habite l’autre monde;
Si le ciel lui permet un jour de voyager,
Quand elle aura fini le cercle de sa ronde,
Dans quels relais anciens ira-t-elle loger?

Où trouver les vieux murs et les niches votives?
Les traverses en croix du rustique pignon?
Et l’oratoire à jour où messire saint Yves
Éclipsait saint Corneille et son lourd compagnon?

Où la reverrons-nous la douce demeurance?
La maison bienveillante, ouverte au bon passant,
Qui va donner le gîte à la dame de France,
Et pleurer de tendresse en la reconnaissant?

Duchesse, arrête ici! La maison canadienne,
Toute vibrante aux sons des clochers d’alentour,
Des morts et des absents de la lignée ancienne,
Semble, comme en prière, attendre le retour.

Malgré l’âge et les deuils, elle fait bon visage.
La vitre, tout le jour, a des reflets très doux;
Et, tout le jour, la porte offre un royal passage.
Duchesse, entrez! Soyez céans comme chez vous.

Que l’hôte cordial se lève de sa chaise,
Et, que l’hôtesse, avec la cousine des rois,
Déclare parenté catholique et française,
Par le sang, par le coeur, par l’âme d’autrefois.