À Frédéric Dillaye.
Souvent, à la clarté qui tremble
Sur l'âtre en feu je les revois,
Les amoureuses d’autrefois !
- Je les revois toutes ensemble.
Elles gravissent lentement
Le coteau fleuri de mon rêve,
Dans mon coeur réveillant sans trêve
Le remords du dernier serment.
Comme les flots d’une onde morte,
Passe leur choeur silencieux ;
Leur mystique regard m’apporte
Le pardon des derniers adieux !
Ces doux spectres au front de femme,
Ces chers hôtes de mon foyer,
Ces débris aimés de mon âme
Me rendent à moi tout entier.
Alors, enivrante et profonde,
M’envahit la tentation
De suivre, par delà le monde,
Cette blanche procession,
Aux doux pays où l’ont suivie
Ceux qui ne se consolent pas ;
Où s’accroît la future vie
De tout ce qu’on perd ici-bas !
Où lentement se recompose,
Et, souvenir à souvenir,
Notre être que doit rajeunir
L’éternelle métamorphose.
Car les gazons où j’ai pleuré
Me doivent compte d’une larme.
- Car un fol espoir, comme une arme,
Au fond de mon coeur est entré !
Car vous fuyez avant l’aurore,
O vous qu’en pleurant je revois,
Et je veux vous aimer encore,
Mes amoureuses d’autrefois !
Alors, à la clarté qui tremble
Sur le chemin des trépassés,
Quand nous recompterons ensemble
Le trésor des bonheurs passés
Souvenez-vous, ô bien-aimées,
De ces jours, de tous les meilleurs,
Et de tant d’heures consumées
En tant de baisers et de pleurs !