Dis-moi, Tircis, sans vanité,
Remarques-tu que la beauté,
Qui tient ton esprit et ta vie,
Ait pour toi quelque peu d'amour?
Connais-tu bien qu'elle ait envie
De te le témoigner un jour?
Elle est si parfaite et si belle
Que sans blâme d'être cruelle
Elle peut détourner ses yeux
Des mortels et de leurs offrandes,
Et même refuser aux dieux
L'amitié que tu lui demandes.
Mais faut-il aussi avouer
Que tout ce qu'on saurait louer,
En tes perfections abonde,
Et qu'elle se doit estimer
La première beauté du monde
Parce que tu la veux aimer?
S'il est vrai qu'une même flamme
Vous ait mis des désirs dans l'âme,
Je te loue d'être amoureux,
Tu fais bien d'essuyer tes larmes,
Et de te croire bien heureux
Depuis qu'on a quitté les armes.
Que ton amour eut de profit
Du monstre que le Roi défit!
Tout le monde allait à la guerre,
Et chacun s'étonnait de voir
Le plus brave homme de la terre
Si paresseux à ce devoir.
Je disais, pâlissant de honte:
Il n'a qu'une valeur trop prompte,
Mais ce courage est endormi,
C'est en vain que l'honneur le presse,
Il hait trop peu cet ennemi,
Et chérit trop cette maîtresse.
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