Dans la vallée où passe une haleine embaumée,
Hercule combattait le lion de Némée.
Rampant, agile et nu, parmi les gazons ras,
Parfois il étreignait le monstre dans ses bras,
Puis le fuyait ; et, plein de fureur et de joie,
Par un bond effrayant revenait sur sa proie.
Au loin sur les coteaux et dans les bois dormants
On entendit leurs cris et leurs rugissements ;
Ils étaient à la fois deux héros et deux bêtes
Mêlant leurs durs cheveux, entre-choquant leurs têtes,
Hurlant vers la clarté des cieux qui nous sont chers,
Avec la griffe et l'ongle ensanglantant leurs chairs ;
Haletants, ils ouvraient leurs deux bouches pensives,
Montrant dans la clarté leurs dents et leurs gencives ;
Puis, vautrés l'un sur l'autre, ils tombaient en roulant
Sur les pentes en fleur, dans le sable sanglant.
Enfin, d'un cri sauvage effrayant les ravines,
Hercule prit le monstre entre ses mains divines ;
Alors il lui serra si durement le cou,
Que le lion sentit la mort dans son oeil fou
Et vit passer sur lui le flot noir de l'Averne.
Le héros le traîna jusque dans sa caverne ;
Sombre et morne, elle avait une entrée au levant,
Et l'autre au couchant sombre, où s'engouffrait le vent.
Hercule, contenant d'une main rude et forte
Le lion qui voulait bondir vers cette porte,
Prit un quartier de roche avec son autre main,
Et la boucha ; puis, d'un long effort surhumain,
Qui fit craquer les os de l'horrible mâchoire
Et jaillir un sang rouge entre ses dents d'ivoire,
Il étouffa le monstre, et, penché vers les cieux,
Il écouta monter dans l'air silencieux
Son long râle et sa plainte amère aux vents jetée,
Si triste que la terre en fut épouvantée.
Puis le héros ouvrit ses bras ; poussant un cri
Suprême, le lion mourant tomba meurtri,
Et, se heurtant au mur de la caverne close,
Il expira, laissant traîner sa langue rose.
Lundi, 6 juillet 1874.
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