Un grand aigle aux beaux yeux vole d’une aile pleine
Vers le sommet du ciel, où sont les pieds de Dieu.
Les timides chasseurs le guettent dans la plaine,
Les doigts crispés sur l’arme, et prêts à faire feu.
Un astre éblouissant, plus haut que les orages,
Brille parmi les cieux tout semés de soleils.
On voit dans leur azur se liguer les nuages
Pour cacher ses rayons, à l’oeil de Dieu pareils.
Un rocher colossal, couronné par la brume,
Élève son front chauve au-dessus de la mer,
Les vagues sur ses pieds usent leurs dents d’écume
Et tâchent de le mordre avec leur flot amer.
Un beau lys, tout rêveur auprès de l’onde bleue,
Échange des sanglots avec les flots tremblants.
Les poissons du marais, battant l’eau de leur queue,
Veulent jeter la vase à ses pétales blancs.
Une vierge aux pieds nus, triomphante et superbe,
Les cheveux dénoués, va dans les prés fleuris.
Des pâtres en haillons la renversent dans l’herbe,
Et luttent avec elle en poussant de grands cris.
Cependant quelque part, sur une haute cime,
On entend une voix dire avec un grand bruit :
Ne visez pas, chasseurs, cet aigle au vol sublime ;
Nuages, ôtez-vous de ce soleil qui luit !
Que tes vagues, ô mer, se calment sur la berge ;
Poissons, ne troublez plus les flots calmes et doux ;
Pâtres, ouvrez ces bras qui blessent une vierge !
Cet aigle est dans les cieux à l’abri de vos coups ;
Il flamboiera toujours, ce soleil, oeil du monde ;
Il brisera vos dents, ce rocher de la mer ;
Ce lys restera pur près des saphirs de l’onde ;
Vous ne lasserez pas cette vierge au coeur fier.
O Génie ! ô Génie ! oeuvre de Dieu lui-même,
Orgueil sacré de l’homme, espoir des coeurs voilés,
Ton éclat magnifique, éternel et suprême,
Ne s’éteindra pas plus que les cieux étoilés !
Juin 1847.
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