Hume le piot sans trêve, biberon.
Le Tourangeau, le poëte au grand coeur,
Maître François, le sage vigneron
Qui parmi nous fut comme un dieu vainqueur,
Maître François, riant, joyeux, moqueur,
Comme un Bacchus debout sur son pressoir,
Écrase encor le raisin du terroir
Et du sang rose emplit son broc divin.
As-tu soif? bois la vie et bois l'espoir,
C'est Rabelais qui nous verse du vin.
Nous boirons tous, l'ouvrier, le patron
Et l'usurier de nos sous escroqueur,
Et le soldat qu'emporte le clairon!
Donc, fais en paix ton commerce, troqueur,
Et toi, noircis tes feuilles, chroniqueur.
Fume l'andouille et garnis le saloir,
Bon paysan courbé sous le devoir,
Ou travailleur des bois, rude sylvain
Toujours cognant sous le feuillage noir:
C'est Rabelais qui nous verse du vin.
Qui que tu sois, artisan, bûcheron,
Humble mercier fait pour chanter le choeur
Sur le théâtre où déclame Néron,
Même valet d'écurie ou piqueur,
Tu goûteras à la rouge liqueur.
Quand tu serais, en ton pauvre manoir,
Plus altéré que ne l'est vers le soir
D'un jour de juin, le sable d'un ravin,
Nargue la soif, car tu n'as qu'à vouloir,
C'est Rabelais qui nous verse du vin.
Envoi.
Prince, la France enivrée a pu voir
Le flot sacré dans son verre pleuvoir.
Buvons encor! nous n'aurons pas en vain
Soif de gaieté, d'amour et de savoir,
C'est Rabelais qui nous verse du vin.
Septembre 1869.
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