A leurs débuts Tyler, the Creator et le désormais défunt Odd Future ont entrepris de changer le rap avec leurs concerts explosifs et leurs premières mixtapes de rap puissant.
Tyler a commencé son évolution vers un son plus mélodique et jazzy sur Cherry Bomb en 2015 et encore plus sur Flower Boy de 2017.
Il continua dans cette direction jusqu’à sortir son excellent album IGOR en 2019 sur lequel il se consacrait davantage au chant et à la production, mais il rappelle rapidement au monde que Tyler, the Rapper n'est pas parti pour toujours.
L'année dernière, il apparaît avec des vers kickés sur les albums de Freddie Gibbs, Westside Gunn et Lil Yachty.
Tyler fait suite à IGOR avec Call Me If You Get Lost, dans lequel il fusionne l'expérimentation mélodique d'IGOR avec son talent indéniable pour un rap clair et agressif.
Il sera agréable d'entendre Tyler rapper sur son propre projet, après avoir passé une année à utiliser les albums d'autres personnes pour nous rappeler à quel point il est un bon rappeur, mais Call Me If You Get Lost n'est pas qu’un simple retour au rap de ses débuts, il s’agit là d’une véritable évolution regroupant ce qu’il a réussi de mieux sur ces dernières années, tout en revenant à des morceaux plus rap.
L'album est structuré comme un ensemble de chansons où chaque morceau s'enchaîne directement avec le suivant de manière très fluide.
Tyler continue en effet d'être un producteur plein de créativité, remplissant l'album d'arrangements et de sonorités en tous genres, de passages psychédéliques, de samples bien choisis, et bien plus encore, en prouvant comme il l'a fait sur IGOR, que la production est probablement sa plus grande force.
Tyler a laissé échapper deux chansons avant la sortie de l'album (LUMBERJACK et WUSYANAME), et si elles nous avaient semblées peu marquantes, c'est uniquement parce qu'elles s'écoutent mieux dans le contexte de l'album.
Il ne s'agit pas de chansons de rap regroupées sur un projet, mais plutôt d'un grand morceau de musique réparti en 16 pistes.
La plupart des chansons sont courtes, à l'exception des deux épopées qui dépassent les huit et neuf minutes. Une structure assez libre, qui prouve que Tyler est ce genre d’artiste qui ne se fixe comme limite que sa créativité, et ça, on apprécie !
La voix de Tyler est beaucoup plus mise en avant sur cet album qu'elle ne l'était sur IGOR, mais il s'entoure également de collaborateurs clés.
Presque tous les morceaux sont parsemés d'ad-libs de DJ Drama, il y a également des apparitions remarquables du jeune rappeur de Detroit 42 Dugg sur LEMONHEAD, de Lil Wayne sur HOT WIND BLOWS, de Lil Uzi Vert et Pharrell sur JUGGERNAUT, des chanteurs R&B Brent Faiyaz et Fana Hues sur SWEET / I THOUGHT YOU WANTED TO DANCE ou encore Frank Ocean qui apparaît brievement à la fin de LEMONHEAD.
Comme IGOR, Call Me If You Get Lost est un album dense qui nécessitera plusieurs réécoutes pour en saisir tous les détails.
Son nouvel alter ego sur ce projet conceptuel est Tyler Baudelaire, un jetsetter international qui est trop occupé à s'inquiéter des « miettes de biscuits dans les Rolls » pour penser à l'état de la nation et aux problématiques telles que Black Lives Matter.
D’un point de vue des sonorités, on retrouvera de la flûte soul sur Hot Wind Blows et même du reggae sur Sweet/I Thought You Wanted to Dance.
Cependant, l'ombre inéluctable de l'esclavage vient interrompre la fête sur Massa, et la réalité de sa vie personnelle apparaît sur Wilshire, une histoire triste qui parle du fait d'aimer la petite amie d'un autre.
Quoi qu’il en soit, on ressort de l’écoute de cet album avec quelques certitudes ; l'album ne ressemble à rien d'autre dans la discographie de Tyler, ce dernier a parcouru un long long chemin en tant qu'artiste et sa musique est toujours aussi fascinante !
Le clip de Yonkers a fêté son 10e anniversaire plus tôt cette année, et rétrospectivement, il est clair que Tyler The Creator était un véritable artiste original, mais il aurait été presque impossible de prédire qu'il produirait de la musique comme sur Call Me If You Get Lost une décennie plus tard.