Réquisitoire contre Josiane Balasko
26 octobre 1982
Françaises, Français,
Belges, Belges,
Monsieur le Massif central,
Monsieur l'avocat le plus bas d'Inter,
Mesdames et messieurs les jurés vendus d'office,
Public chéri, mon amour.
Ecce femina ! Voici la femme !
A ne pas confondre avec Ecce homo ! Voici ma tante ! Qui es-tu, femme, ma sœur ?
« La femme remonte à la plus haute Antiquité », disait Alexandre Via-latte. Je le répète une fois de plus à l'intention des étudiants en lettres qui nous écoutent par milliers et qui commencent à savoir lire dès l'âge du permis de conduire, on peut très bien vivre sans la moindre espèce de culture. Moi-même, je n'ai pas mon permis de conduire, eh bien, ça ne m'a jamais empêché de prendre l'autobus. D'ailleurs, si vous n'êtes pas capables, jeunes gens, de vous priver d'un seul épi-sode de Dallas pour lire un chapitre des chroniques de Vialatte, dites-vous bien que ça ne vous empêchera pas de mourir d'un cancer un jour ou l'autre. Et puis quoi, qu'importe la culture ? Quand il a écrit Hamlet, Molière avait-il lu Rostand ? Non !...
Voici la femme !
La femme est beaucoup plus que ce mammifère inférieur qu'on nous décrit dans les loges phallocratiques. La femme est l'égale du cheval.
Et de même qu'il ne peut pas vivre sans cheval, l'homme ne peut pas vivre sans femme. Comme la femme, le cheval permet à l'homme de s'accrocher derrière pour labourer, jusqu'au fond du sillon. Non ! La femme permet à l'homme de... semer sa petite graine... Observons deux papillons ! Pouf pouf.
Observons une femme.
Si nous la coupons dans le sens de la longueur, que voyons-nous ?
Nous voyons que la femme se compose de 70 % d'eau et de 30 % de viandes rouges diverses qui sont le siège de l'amour.
La femme a-t-elle une âme ?
Il est encore trop tôt pour répondre à cette question avec certitude. Tout ce qu'on peut dire, avec une marge d'erreur infime, c'est que la nuit sera fraîche, mais à mon avis, à mon humble avis, c'est sans rap-port aucun avec le problème de l'existence de l'âme chez la femme.
Et d'abord, qu'est-ce que l'âme ? Selon Jacques Lacan et mon coif-feur, l'âme est un composé nébulo- gazeux voisin du prout. Sigmund Freud, pour sa part, affirme dans l'édition de 1896 de L'Annuaire des refoulés que l'âme pèse vingt et un grammes, ce qui exclut évidem-ment la restitution de notre âme à Dieu par les P et T avec un timbre normal, même à grande vitesse, toute surcharge au-dessus de vingt grammes étant taxée au frais du destinataire, c'est-à-dire, en l'occur-rence, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
C'est pourquoi, au moment de votre agonie, je vous conseille, mes frères, de vous coller deux timbres à l'âme, afin de faire bonne im-pression à l'heure cruciale entre toutes de votre comparution devant les Pieds Nickelés de la sainte Trinité.
La vivisection de la femme ne nous permet pas de distinguer claire-ment la présence de l'âme.
Que voyons-nous exactement ? Un foie, deux reins, trois raisons d'avoir une âme. Certes. Mais je vois venir l'objection. Vous allez me dire : le ragondin musqué des marais poitevins lui aussi a un foie et deux reins. Mais a- t-il une âme pour autant ? Non. Il boit Contrexé-ville et puis voilà.
En fait, altesse, mesdames et messieurs, chère madame Balasko (je dis « altesse » en hommage au roi... de la défense passive, matérialisée ici sous les traits fripés de la triste olive noire qui est présentement occupée à prendre avec discrétion sa température, avec le thermo-mètre à mercure en queue de morue que sa tata Rodriguez lui envoie de Lisbonne en paquet fado).
Oui, altesse, mesdames et messieurs, en l'état actuel de nos connais-sances, rien ne permet de confirmer la présence d'une âme chez la femme. Pourtant, de même qu'il ne peut pas vivre sans marché noir, l'homme ne peut pas vivre sans femme. Car, je vous le demande, vous trouvez que c'est une vie normale, pour un homme, de ne baiser que le fisc ? Alors que les femmes des percepteurs, exhibant à chaque coin de rue leur arrogant derrière que le rond-de-cuir délaisse, hur-lent à l'amour en attendant désespérément la main virile qui viendra leur nationaliser la libido à coups de zigounette dans la Fonction pu-blique avec un effet rétroactif en donnée corrigée des variations sai-sonnières.
Oui ! De même qu'il ne peut pas vivre sans oxygène, l'homme ne peut pas vivre sans femme.
L'oxygène permet à l'homme de respirer un coup... La femme permet à l'homme de tirer un trait sur son adolescence pour fonder enfin une famille d'où naîtront bientôt les merveilleux enfants du monde qui grandiront dans la joie avant de périr sous les bombes thermonu-cléaires dans une dizaine d'années au plus tard. En effet, si tout va bien et si le temps le permet, la Troisième Guerre mondiale devrait normalement éclater avant 1991. La plupart des voyantes extralu-cides, ainsi que madame Soleil et Yves Montand, sont absolument d'accord sur ce point.
Quant à Nostradamus, qui avait oublié d'être con puisqu'il croyait en Dieu, il situe précisément la fin du monde atomique le 14 juillet 1989, comme le dit clairement le paragraphe 13 du chapitre V de son « Guide Gault et Millau de la mort pas cher », je cite Nostradamus : « Deux cents années après qu'éclatoit en royaume françois la honteuse révolte où triomphoit la populace - c'est-à-dire le 14 juillet 1789 - les sauvages hordes rouges de l'Est glacé vomiront le feu du ciel sur le grand mol Occidental. »
« Le grand mol Occidental » : c'est évidemment une allusion de Nos-tradamus à la mollesse décadente des hommes de l'Occident avachis par la bagnole, le déclin du patriotisme, l'athéisme, les congés payés, l'abolition de la peine de mort et les sous-vêtements en dermotactile Babar qui suppriment le goût de l'effort tout en comprimant abusi-vement la zigounette.
« Lors, l'homme de guerre brandira le noyau fissuré du grand champi-gnon fumeux, tirera la chevillette et cherrera la bombinette. »
« Dans ce brasier d'apocalypse - poursuit Nostradamus, la terre s'ou-vrira dans d'épouvantables craquements, les océans déchaînés re-couvriront les terres en ruine où nulle âme ne survivra et le périphé-rique Ouest sera fermé à la circulation entre la porte de Vincennes et le pont de Charenton. »
Donc, la femme est importante, puisque c'est elle qui assurera la con-tinuité de l'espèce jusqu'à la fin du monde.
D'autre part, si l'on examine la femme d'un point de vue purement ludique, que constatons-nous ? Eh bien, nous constatons que la femme est souvent pour l'homme un agréable compagnon de jeux. On cite notamment le cas, reconnu médicalement, de nombreux hommes qui ne peuvent connaître de plaisir sexuel qu'avec des femmes ! Comme ce gardien de phare paimpolais, Yvon Le Poignet, qui ne pouvait rester plus de six mois d'affilée à son poste. Malgré la conscience professionnelle avec laquelle il astiquait son phare entre deux naufrages, il lui fallait absolument revenir périodiquement à terre, pour se livrer sur la personne de son épouse à des gesticulations spasmodiques dont la seule évocation soulève ce cœur d'airain qui bat sous la robe austère de la quoi ? de la justice.
Donc Josiane Balasko est coupable. La peine de mort étant toujours supprimée cette semaine, je suggère une peine d'incarcération pen-dant huit jours dans l'ascenseur de la tour Montparnasse, avec diffu-sion alternative ininterrompue de l'Adagio d'Albinoni et des Feuilles mortes par Yves Montand.
Josiane Balasko : Dans la Balasko, c'est comme dans le cochon : tout est bon.
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