Mon tout petit, mon enfant
Tu me demandes si gentiment
« Mamie, mamie, pourquoi tu pleures ? »
Mon tout petit, mon enfant
Je te réponds si tendrement
« Je pleure, parce que je me souviens... »
Je me souviens des abeilles
Dont j’avais peur moi-même enfant
Leurs petits culs sortant des fleurs
Dans un temps encore insouciant
Je me souviens qu’elles étaient belles
Je me souviens du goût du miel
Je me souviens
Je me souviens des baleines
De l’émotion en les voyants
Danser comme d’immenses reines
Dans la pureté des océans
Je me souviens qu’elles étaient belles
Que j’voulais nager avec elles
Je me souviens
Je me souviens des ours blancs
Que j’avais vu moi-même enfant
Dans une prison pour animaux
Que jadis on appelait un zoo
Je me souviens de la banquise
Et puis des glaciers qui se brisent
Je me souviens
Oui, mon petit, je pleure
Tout ce que tu ne connaîtras pas
Parce que cet humain de malheur
Les a tués sans foi ni loi
Oui, mon petit, je pleure
Je pleure les beautés disparues
D’une immense nature qui se meurt
Et d’un monde à jamais perdu
Je me souviens de l’hiver
De la danse des flocons dans l’air
Dans les tourbillons du manège
Des matins froids couverts de neiges
Je me souviens de mes frissons
Des soirées passées au tison
Je me souviens
Je me souviens des bourdons
Des coccinelles, des papillons
Des scarabées tout reluisants
Et puis des lucanes cerfs volant
Les fragiles bleuets dans les prés
Les coquelicots dans les champs de blé
Je me souviens
Je me souviens des moineaux
Des rouges gorge, des étourneaux
De la symphonie de leurs chants
Et des hirondelles au printemps
Je me souviens de mes adieux
Quand elles s’éteignirent peu à peu
Je me souviens
Oui, mon petit, je pleure
Tout ce que tu ne connaîtras pas
Parce que cet humain de malheur
Les a tués sans foi ni loi
Oui, mon petit, je pleure
Je pleure les beautés disparues
D’une immense nature qui se meurt
Et d’un monde à jamais perdu
Je ne me souviens que de drames
Que d’animaux pris dans les flammes
De forêts millénaires en feu
De mon cœur qui se fend en deux
Je me souviens de l’impuissance
De la tristesse, de la violence
Je me souviens
Et je me souviens de la honte
De voir ma terre laissée pour compte
Parce qu’une poignée de pauvres gens
Ne pensent qu’à gagner de l’argent
Oui, mon petit, je pleure
D’humiliation, de déshonneur
On a laissé mourir le monde
Oui, on a fait mourir le monde
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