J’entends qu’ils s’approchent
Ils surgissent des autos
Ils s'déplacent en troupeaux
Les sabots dans les roches
Ça y est, ils débarquent
En fronçant les sourcils
Le brushing aplati
Les p’tits talons qui claquent
J’vois foncer les bêtes
Les p’tits fronts tout fripés
Les p’tits airs contrariés
Les questions déjà prêtes
Ça gronde dans l’couloir
Pis là, ça ose entrer
Le faux air désolé
D’avoir un peu d’retard
Ça s’donne en spectacle
Ça s'sort les pectoraux
Ça s’humecte le museau
Pis ça passe à l’attaque
Ça s’prend au sérieux
Ça me r’garde de haut
J’me sens comme un agneau
Encerclé par des bœufs
Plantée d’vant la classe
Terrifiée, j’les observe
On dirait mes élèves
Qui s’seraient pris des coups d’masse
Je r’garde les néons
Démasquer le visage
De cette maquilleuse d’âge
Dont le pauvre teint fond
J’l’écoute m’expliquer
L’attitude que j’dois prendre
Quand son bel Alexandre
M’lance des boules de papier
Que c’est dû au stress
Parce que j’donne trop d’devoirs
Et que j’devrais l’savoir
Que c’est dur, la jeunesse
Tout l’monde veut parler
Les bras s’lèvent de partout
C’est comme plein d’chimpanzés
Qui me cherchent des poux
Ça gigote, ça grimace
Ça m’suggère des façons
De donner des leçons
Qui seraient plus efficaces
Pour que leur enfant-roi
Puisse suivre leurs traces
À la chasse à la masse
Qui le défigurera
Oui pour qu’leur bébé singe
Continue d’faire l’idiot
Et s’développe un cerveau
Sans s'remuer les méninges
Trois mois plus tard
C’est le même troupeau
Toutes les mêmes autos
Qui éteignent leurs phares
Y a d’la jolie neige
Qui tapisse les cailloux
Mais c’est le même zoo
Le même triste cortège
Y a du p'tit mouton
Cousu dans les doublures
Et pis y a d’la fourrure
Autour des capuchons
Y a plein d’caoutchouc
Qui souillonne le parquet
Et bientôt les crochets
Sont chargés jusqu’au clou
Ils ont tous l’air docile
Le sourire hypocrite
Ça fait doucement la file
Jusqu’au lieu fatidique
J’les vois qui arrivent
Au sein d’mon pâturage
La gueule pleine d'une salive
En voie de gaspillage
C’est comme une armée
De capricieux lamas
C’est à qui va m’lancer
Le plus visqueux crachat
Je vois le malaise
D’la maman d’Alexandre
Qui est en train de comprendre
Qu’y aura pas assez d’chaises
Il reste une seule place
Loin de l’ombre du fond
Juste en d’sous du néon
Le violeur de vieille face
C’est là qu’une voix creuse
Se soulève soudainement
Mais c’est quoi cet accent
D’origine prétentieuse?
« Bonjour, j’suis Denis
Le papa de Tristan
Qui m’avouait récemment
Ressentir de l’ennui
Que faites-vous du problème
De ces adolescents
Qui ont clairement un quotient
Plus élevé qu’la moyenne? »
J’devine que ça trouble
Un p’tit peu sa voisine
Qui est la mère d’Amandine
Qu’ça fait deux fois qu’elle double
L’commentaire provoque
Une onde de colère
Y a plein d’mains dans les airs
On dirait un show rock
J’réponds que j’m’adapte
Aux besoins de chacun
Et là, j’entends quelqu’un
À la porte, qui frappe
J’laisse entrer l’bison
Avec son long manteau
Ses mitaines, son chapeau
Sa barbe pleine de flocons
Il secoue son foulard
J’le vois comme hésiter
Je l’comprends d’être troublé
C’est gênant comme retard!
J’ai l’air d’un insecte
À côté d’l’homme des neiges
J’dis: « Entrez, c’est correct!
Désolée, y a plus d’siège… mais… si vous voulez, vous pouvez
prendre mon bureau… ça m’dérange pas… »
Le manteau tout mouillé
Il s’met bien confortable
Le cul sur les cartables
De travaux corrigés
J’continue calmement
D’écouter l’plaidoyer
Du papa de Tristan
Qui défend son surdoué
Mais j’entends respirer
Celui qui est dans mon dos
Qui est en train de m’broyer
Mes cartables à anneaux
Je rassure ma classe
De primates qui s’énervent
Et qui attendent que j’élève
Leurs enfants à leur place
Quand j' tourne les talons
Le monsieur se r’met d’bout
J’vois mon verre en carton
Qui s'renverse partout
L’homme regarde le dégât
Disparait dans l’couloir
J’dis: « C’pas grave, non, ça va
J’vais laver ça plus tard »
Mais y’ r’vient par magie
Avec une serpillière
J’en r’viens pas, j’dis: « Merci! »
(Wow, quelle perle de père!)
On dirait qu’y’ m'rappelle
Un souvenir un peu flou
Plus la barbe lui dégèle
Plus je l’trouve de mon goût
Y’est 21 h 30
Quand les parents décollent
Le barbu se présente
C’est l’concierge de l’école
Et moi qui pensais
Qu’c’était un retardataire
Quand au fond c’qu’il venait faire
C’tait passer le balai
Nettoyer le local
Des traces de bottillons
Des éclats d’postillons
D’l’assemblée parentale
C’que je sais pas en c'moment
C’est qu’c’est l’homme de ma vie
Et que c’est avec lui
Qu’j’vais m’changer en parent
J’vais rentrer dans la marche
Rejoindre le troupeau
Avec mes gros sabots
Et mon « trench » en peau d’vache
J’foncerai comme un taureau
Et j’serai pire que les autres
Quand je jetterai les fautes
Sur les profs de mes veaux
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