Des Cadillacs et des ombrelles
De l'albuplast et des bretelles
De faux dollars de vrais bijoux
Y'en a vraiment pour tous les goûts
Des oraisons pour dentifrices
Des chiens nourris qui parl'nt anglais
Et les putains à l'exercice
Avec leurs yeux qui font des frais
De faux tableaux qui font la gueule
Et puis des vrais qui leur en veulent
Des accordéons déployés
Qui souffl'nt un peu avant d' gueuler
Des fill's en fleurs des fleurs nouvelles
Des illustrés à bonne d'enfant
Et des enfants qui font les belles
Devant des mecs bourrés d'argent
Les vitrines de l'avenue
Font un vacarme dans les coeurs
A fair' se lever le bonheur
Des fois qu'il pouss'rait dans les rues
Les faux poètes qu'on affiche
Et qui se meur'nt à l'hémistiche
Les vedettes à nouveau nez
Paroles de Léo Ferré
Les prix Goncourt que l'on égorge
Les gorges chaudes pour la voix
Les coup' file et les soutiens-gorge
Avec la notice d'emploi
Des chansons mortes dans la cire
Et des pick-up pour les traduire
Microsillon baille aux corneilles
C'est tout Mozart dans un' bouteill'
Le sang qui coul' plein à la une
Et qui se caille aux mots croisés
" Franc' soir " " le Monde " et la fortune
Devant des mecs qu'ont pas bouffé
Les vitrines de l'avenue
Font un vacarme aux alentours
A faire se lever l'amour
Des fois qu'on l' vendrait aux surplus
Des pèr' Noël grandeur nature
Qui n' descend'nt plus qu' pour les parents
Pendant qu' les gosses jouent les doublures
En attendant d'avoir vingt ans
Toupie qui tourne au quart de tour
Bonbons fondants bonheur du jour
Et ces môm's qu' en ont plein les bras
A lécher la vitrin' comm' ça
Des soldats d' plomb qui font du zèle
Des poupées qui font la vaisselle
De drôl's d'oiseaux en équilibre
Pour amuser les tout petits
A l'intérieur la vente est libre
Pour ceux qui s'ennuient dans la vie
Des merveill's qu'on peut pas toucher
Devant des mecs qui peuv'nt " Entrer "
Les vitrines de l'avenue
Font un vacarme dans les yeux
A rendre aveugles tous les gueux
Des fois qu'ils en auraient trop vu
Jambon d' York garanti Villette
Des alcools avec étiquettes
Crème à raser les plus coriaces
" Où l'on m'étend le poil se lasse "
La gain' qui fond sous les caresses
Le slip qui rit le bas qu' encaisse
L'escarpin qui us' le pavé
Les parfums qui sent'nt le péché
Des falbalas pour la comtesse
Des band's en soie pour pas qu' ça blesse
Du chinchilla d' la toile écrue
Y faut vêtir ceux qui sont nus
Des pull-over si vrais qu'ils bêlent
Des vins si vieux qu'ils coul'nt gagas
Des décorations qu'étincellent
Devant des mecs qui n'en veul'nt pas.
Les vitrines de l'avenue
C'est mes poch's à moi quand je rêve
Et que j'y fouille à mains perdues
Des lambeaux de désirs qui lèvent
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