J’ai encore à biner un hectare de bett'raves
Je me sens fatigué
Mais je ne me plains pas j’ai du cœur à l’ouvrage
La semaine est bouclée
Ce matin l'patron m’a dit :
"Antonio tu me finiras le champ jusqu'au ruisseau"
J’ai pris mon ciré jaune
Mon vin rouge ma binette
Et je suis parti en mobylette
Encore huit cents mètres
Encore six cents mètres
Je suis parti pour la France
Ma valise en carton serrée par les ficelles
La douleur dans les reins du voyage en camion jusqu’à la frontière
La photo d'ma femme glissée dans mon passeport je suis arrivé dans ces pays du nord
C’était en novembre, j'respirais du brouillard
Et j’ai dormi sous le hangar
Encore cinq cents mètres
Encore 400 mètres
En regardant les coquelicots
Je revois les collines de l’Alentejo
Et ma mère que j’ai laissée là-haut
A Montemor–o-Novo
Je la revois encore au bord de la fontaine
Elle est seule aujourd’hui
Depuis qu'le père est mort elle vit avec sa peine
Je me fais souci
Elle a fait sur mon front un signe de crois
Elle m’a dit : "vaï com deus" et "garde toi"
Puis elle est rentrée dans la petite maison
Pétrir une pâte de melon
Encore trois cents mètres
Encore deux cents mètres
Depuis j’ai fait mon ch'min sur la plaine picarde
Travailleur saisonnier
Pas d'sorties, pas d'café que le bon dieu me garde,
J'me suis pas laissé aller
Demain je prends le train pour St Quentin
J’ai acheté une maison les miens y seront bien
La semaine prochaine faut qu'le patron m’appelle
Monsieur Antonio Gonsalvel
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