Paris, 2.10.1946
Cher ami,
Il ne faut pas m'en vouloir. Ce n'est pas de ma faute si la semaine dernière tes articles sur Mauriac et sur Raimu ont été évincés. J'avais l'intention bien arrêtée de les passer. Malheureusement, il y avait l'affiche. On m'a signifié que la littérature et le cinéma pouvaient attendre. J'ai dû m'incliner, car, quoique responsable du Libertaire, je ne puis satisfaire tous mes goûts personnels. Néanmoins, je compte pouvoir accorder à tes écrits une place dorénavant plus grande. Tu es l'un des rares qui savent encore écrire en français. Si tu le veux, dans le numéro du 18, je ferai paraître tes Réflexions d'Opposition, ton texte nécrologique sur Raimu et le petit rectificatif de la semaine dernière. Après quoi, je publierai intégralement tes études sur René Clair, Renoir et Carné. J'espère que cela te donnera satisfaction.
Je suis heureux que tu acceptes de collaborer avec nous dans le journal que nous avons l'intention de créer prochainement. Toute liberté d'expression te sera donnée, ainsi qu'a chacun d'entre nous d'ailleurs.
Cette lettre que je t'adresse, je la réservais pour la fin, avec le dessein de me remettre un peu de la tristesse suscitée en mon âme par la prose débilitante et inepte d'une vingtaine de crétins auxquels mes responsabilités m'imposent de répondre.
Amitiés.
Georges Brassens.
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