Le chef d’oeuvre ne prévient pas, il s’impose à l’auditeur et c’est bien le cas ici.
Si vous pensiez que Dame Dolla était le rappeur le plus talentueux de l’Oregon, alors vous vous trompiez certainement. En effet Aminé s’est affirmé comme un talent aux multiples facettes, tour à tour rappeur, auteur-compositeur-interprète et même réalisateur.
Le talent d’Aminé a éclaté au grand jour avec son hit single Caroline qui lui vaudra une nomination sur la prestigieuse XXL Freshmen List. Fort de ce buzz grandissant Aminé sort son premier album GOODFORYOU en 2017, un projet pour le moins intéressant qui a le mérite de commencer à écarter de son nom le statut de « one hit wonder ».
Aminé continue à nous surprendre quand il sort ONEPOINTFIVE en 2018. Loin de l’aspect lègerement trop lisse du premier projet, Il nous offre une mixtape intimiste et rugueuse, avec une identité musicale forte.
Cette fois-ci, c’est avec LIMBO qu’Aminé nous plonge dans son univers, et il faut dire que ça vaut le détour. Le rappeur fini d’asseoir sa légitimité parmi la scène rap US.
« This a black album like Shawn Carter »
« Beat so cold, it made Aminé wanna open up »
Burden
Avec une assurance magistrale, Aminé donne directement le ton sur l’intro Burden en comparant son album au légendaire album de Jay-Z. Porté par un sample extraordinaire tiré du titre Thank You God, il nous laisse déjà, dans un savant mélange de confiance et de vulnérabilité, entrevoir les thématiques de l’album. En comparant son album au BLACK ALBUM, Aminé nous met sur la piste de ce qu’est vraiment ce projet à ces yeux. Non pas l’annonce de sa retraite, mais un rite de passage nécessaire, le récit éclairé des limbes d’une post adolescence qu’il semble enfin prêt à quitter à la fin de cet album.
A l’instar de l’intro, sur les titres Shimmy et Roots on retrouve un Aminé sûr de lui. Là encore les samples viennent donner une certaine grandeur, une certaine emphase au récit de ce jeune homme nous contant le chemin qu’il a parcouru.
« Compensatin' for your feelings / And you know the feelin' / This is what you thought would heal it / But it makes you feel it »
Compensating
Si Aminé semble, à juste titre, être fier de ce qu’il a accompli, il n’a aucun mal à s’ouvrir à exprimer sa vulnérabilité, les questionnements qu’il se fait subir, notamment lorsqu’il s’agit de nous faire part du chemin sinueux à la recherche de l’amour.
« 'Cause love don't come easy, it don't come easy / Love don't come easy, yeah, givin' up easy / Love don't come easy, it don't come easy / It don't come easy / Times get hard, but nothing's easy »
Easy
Rien n’est simple dans la vie et rien n’est simple dans la musique d’Aminé. Un même sujet peut être abordé à travers des prismes nombreux et différents : la recherche de l’âme soeur, de l’amour. L’amour insouciant des débuts, celui que l’on retrouve sur Compensating, un amour aux couleurs pastels, emprunt de beaucoup de légèreté, évoquant l’insouciance d’un flirt et les plaisirs de la séduction. Sur Easy, c’est la robe de l’allégresse que l’amour, le grand est amené à porter. On y découvre l’amour recherché, profond, inconditionnel, d’un blanc immaculé.
“You love Rihanna, but you ain't a savage (Nah, nah)
Don't act like you perfect, you know that we both got some baggage (Yeah, yeah)”
Mais l’amour est aussi défini par la souffrance l’accompagnant. Avec Riri et Becky, on commence à discerner les dysfonctionnements qui peuvent tant nuir à une relation, mettant en péril la construction de cet amour, à deux. Pour enfin laisser place au récit de la douleur de l’amour perdu, de l’amour qu’on est inexorablement en train de perdre sur Pressure in my Palms et Compensating.
“Look, RIP Kobe (Woo)
Nigga, RIP Kobe (Yeah)
You was like a dad to a nigga, so I'm sad, my nigga”
Kobe
Au détour d’un magnifique hommage au regretté Bryant, Kobe. Aminé laisse se dessiner un autre aspect de ces limbes dont il aimerait sortir. Il aimerait être le père le que Kobe a su être. Dès l’intro il semble perplexe à l’idée que le post-adolescent qu’il a le sentiment d’être serait apte à la paternité. Celle-ci est immédiatement associée aux questions de stabilité financière, de maturité, imminemant lié à l’idée de l’âge adutle. Sur Fetus encore la paternité est présentée en opposition à la passion juvénile de l’amour naissant.
On sent une sorte de dichotomie assez manichéenne s’établir entre le l’homme bloqué dans les limbes d’une post adolescence d’une part et le père qu’il aspire à devenir d’autre part.
“Can't lie to my mama
I gotta cry for my ma-ma-ma-mama
'Cause you're the only woman in my life
Who makes me smile, you make me smile”
Mama
S’il ya une dernière chose qui est à l’honneur sur LIMBO c’est bien la mère d’Aminé. Le titre Mama est une ode à cette femme extraordinaire qui lui a tout donné. Le titre vient s’ajouter à ces titres phares à destination des mères de nos rappeurs préférés, tels que Hey Mama de Kanye ou Dear Mama de 2pac auquel le son fait un clin d’oeil.
Elle lui a tout donné, l’emmenant partout dans sa voiture, lui pardonnant ses excès, faisant de lui qui il est et ce qu’il a pu devenir. Mais l’omniprésence de cette femme va plus loin, car c’est elle finalement, la personnification de l’amour et de la paternité auxquels aminé consacre ce projet.
« Fantasies, boy, I just can't believe
And we all got dreams, hopin' for reality
You know I can't make it (Hey), you know I can't lie to ya
You know I can't fake it, you know I can't lie to ya »
My Reality
Avec l’outro, My Reality, Aminé semble enfin prêt pour quitter les limbes de la post adolescence. Porté par des sonorités nous rappelant le Kanye d’808’s & Hartbreaks, des voix angéliques nous invitent, invitent enfin Aminé à entrer dans cette nouvelle vie qu’il touche du bout des doigts.