Vieillir en se gardant
De perdre la jeunesse
Jusqu’au fond du flacon
Ne songer qu’à l’ivresse
Jusque sur l’échafaud,
Espérer le sursis,
Espérer le sursaut,
Toujours crier merci
Vieillir intensément,
Vieillir comme une bête
Naviguer vents de bout
En semant la tempête
Garder pour chaque instant
Ni joli, ni nouveau
Les yeux que pour la Chine
Avait Marco Polo
Se contenter de peu
Excepté dans les rêves
Dans le jour qui fini
Voir le jour qui se lève
Et puis ne pas mourir
Juste partir un peu
Le retour dans la poche
Et la vie dans les yeux
Vieillir à reculons
Tourné vers son enfance
Vieillir avec passion
Sans regret, sans défense
Et mettre à chaque fois
Que s’achève une année
Des bottes de sept lieux
Devant la cheminée
Vieillir à la folie
En attendant la suite
Vieillir en effeuillant
Cent milles marguerites
Et puis ne pas mourir
Suspendre son haleine
Comme on retient son souffle
Avant d’entrer en scène
La belle affaire
Que de vieillir
Quand on espère
Ne pas mourir
Vieillir infiniment
A perte de tendresse
Vieillir à contretemps
A rebrousse vieillesse
Voir se rider sa peau
Que des rides et son cœur
Voir que l’on est plus beau
Mais que l’on est meilleur
Vieillir en se chantant
Plein des chansons paillardes
Eternel étudiant d’une salle de garde
Qu’on appelle la vie
Toujours recommencer
Toujours inassouvi
Toujours inespéré
Vieillis en te gardant
De perdre ta jeunesse
Toi qui ne devrais pas vieillir
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