Poème Le Retour

Imitation de Walter Scott

Hic nostri reditus!
VIRG. liv. XI.



J’entends donc de nouveau résonner sur ma tête
Le pin du Clanbrassil que presse la tempête ;
Des échos du rocher je reconnais la voix ;
Je reconnais aussi l’obscurité des bois,
Et les ondes du fleuve, et l’herbe des rivages.
Je reconnais encor la forme des nuages ;
Car le vent est le même, et leurs flancs cotonneux
Se découpaient ainsi sur un ciel lumineux.
Rien n’a changé que moi, que ma belle jeunesse,
Que le temps où ma lyre et ma voix sans tristesse
De mes illusions entretenaient les airs.
L’opulence ignorait mes pénates déserts ;
Je vivais oublié sans désirer la gloire,
Voyant mon avenir écrit dans ma mémoire ;
L’Éden environnait mes pas mystérieux ;
Je croyais respirer les pures fleurs des cieux ;
Les eaux étaient d’argent, et l’humide rosée,
Sur l’émail des gazons par la nuit déposée,
Étincelait soudain du feu de mes accords.
Le souvenir du Barde inspirait mes transports ;
Je vivais dans ses vers ; j’étais celui qu’il chante ;
J’aimais tout ; à présent il n’est rien qui m’enchante.
Je ne me souviens plus comment, dans mon repos,
De Fingal et d’Oscar j’évoquais les drapeaux.
De la harpe d’Erin je me croyais le maître ;
Ces jours d’illusion ne pourront-ils renaître ?
Et cette jeune fille au teint blanc, à l’oeil noir,
Qui venait près de moi répondre au chant du soir ;
Qui souvent à mes pas, empreints sur la poussière,
S’aperçut que la nuit je gardais sa chaumière ;
Et qui souvent tremblante à mes moindres aveux,
Me voilait sa rougeur avec ses longs cheveux,
A-t-elle disparu comme une ombre légère ?
Au pays des humains était-elle étrangère,
Et comme le bonheur faible enfant du sommeil,
S’est-elle évaporée aux rayons du soleil ?
Plût au Ciel que ses yeux, si naïfs dans leur grâce,
Eussent été pour moi comme un éclair qui passe,
Et sa voix, qui toujours dans mon âme battait,
Un zéphir matinal qui soupire et se tait ;
Plût au Ciel, et mon coeur en butte à la tristesse,
N’eût pas pour l’obtenir envié la richesse,
Qui sur des bords lointains croît auprès du danger.
Hélas ! j’ai des trésors, et sans les partager ;
Mon été dépérit, et je touche à l’automne ;
Ma gloire, mes trésors, je vous les abandonne,
O Dieu ! reprenez-les, et pour quelque instans,
Rendez-moi, s’il se peut, les rêves du printemps.

Passy. D. 27 août 1821.