On croirait que les Muses se sont retirées pour jamais,
qu’Apollon se reviendra plus, tant ils semblent sourds à la voix
du poète.
VIDA , traduction de Le Batteux , ch. 2.
Heureux qui, dans l’essor d’une verve facile,
Soumet à ses pensers un langage docile ;
Qui ne sent point sa voix expirer dans son sein,
Ni la lyre impuissante échapper à sa main,
Et cherchant cet accord, où l’âme se révèle,
Jamais n’a dû maudire une note rebelle !
Hélas ! ce n’est pas moi ! D’un cri de liberté
Jamais comme mon coeur mon vers n’a palpité ;
Jamais le rhythme heureux, la cadence constante,
N’ont traduit ma pensée au gré de mon attente ;
Jamais les pleurs réels à mes yeux arrachés
N’ont pu mouiller ces chants de ma veine épanchés.
Quelquefois me berçant d’espérances lointaines,
J’aurais voulu tenter ces régions hautaines
Où sous l’azur des cieux nos aigles rassemblés,
Tracent d’un vol hardi les cercles redoublés ;
Mais jamais dans les airs mon aile balancée
N’a fermé sans fléchir la courbe commencée ;
Toujours mon vol tendait au terrestre séjour,
Et mon oeil s’est baissé devant l’éclat du jour.