Cette semaine dans Explizik, par Pierre Niboyet
Si les genres musicaux étaient des repères utiles pour faciliter la vie des clients des magasins de disques, ils semblent de moins en moins pertinents à l’heure du streaming.
Ajoutez à cela des polémiques à répétition et des artistes exaspérés par la façon dont ils sont classés et vous comprenez pourquoi la question de la disparition des genres musicaux se pose.
Les genres donc.
Ça ne nous vous aura pas échappé, définir le genre de musique que vous faites est de plus en plus complexe.
Celui ou celle qui a déjà renseigné le genre d’un titre dans Spotify for artist a ressenti cette peur, cette sensation qu’on s’apprête à saborder sa sortie en se trompant.
Aurais-je plus de chances d’être remarqué par un édito si je renseigne ce genre ou ce sous-genre.
Après tout, n’y a t’il pas une petite couleur Reggaeton dans mes guitares voix ?
Ce qui est sur, c’est que sur des plateformes qui ont totalement fait disparaître les barrières géographiques, la musique est très souvent une fusion de beaucoup de choses qui rend sa classification aléatoire.
Il est également évident que les classifications dépendent du pays dans lequel vous vous trouvez.
Aznavour sera de la world music aux USA et de la chanson française dans l’hexagone.
Le problème touche également les prix musicaux qui, par définition, reposent sur des catégories de genres.
Récemment, Justin Bieber, a publiquement exprimé son mécontentement d’avoir vu son album classé dans la catégorie vocal pop des grammy alors que lui le définit avant tout comme un album R’n’B.
On comprend qu’il y a un enjeu d’image pour ces artistes, la pop ayant été de tout temps une catégorie fourre tout dans laquelle on met les musiques écoutées par le plus grand nombre et donc populaire. Après les efforts mis par Justin Bieber pour rendre son image moins lisse, il est logique qu’il ne soit pas ravi d’être classé dans le genre le plus mainstream.
A l’inverse, l’année dernière c’était Tyler the Creator qui avait, toujours aux grammies, gagné la récompense de meilleur album rap pour son opus IGOR.
Il regrettait que cet album, aussi riche que complexe, soit catalogué dans le genre Hip Hop
Selon lui, l’album est bien plus protéiforme que ce que son genre laisse supposer.
Il n’est pourtant pas surpris, d’ailleurs il explique : « chaque fois qu’un artiste noir propose un album qui dépasse les clivages habituels des genres musicaux il est systématiquement classé en Hip Hop ou en urbain. Urbain qui, toujours selon lui, est un mot politiquement correct pour ne pas classer la musique selon la couleur de l’artiste et remplacer ce que les américains qualifient N-word.
Tyler voudrait tout simplement être classé en pop.
Les grammys devant la recrue d’essence de charges contre ses classifications ont d’ailleurs modifié les noms des catégories pour en faire disparaitre le mot urbain et plus globalement pour faire plus de transparence autour des classement proposés.
On l’espère, on ne parlera plus de meilleur album urbain contemporain mais de meilleur album de R’n’B progressif.
Quoi qu’il en soit il est difficile d’imaginer une cérémonie sans catégorie basée sur les genres, à moins d’adopter la solution radicale de n’avoir plus qu’une seule catégorie : meilleure musique.
C’est la solution rêvée pour ceux qui se lamentent de ces cérémonies à rallongent qui sont finalement plus soporifiques qu’un épisode de Derrick. Là plus de problèmes en 10 minutes c’est réglé.
Au-delà des enjeux d’image ou des enjeux sociétaux des classements de récompenses, Il y a surtout un problème de compréhension. Le public est-il encore intéressé par toutes ces catégories à rallonge dans lesquelles il ne voit pas vraiment de cohérence.
Et puis quand vous dites Pop, R’n’B, Jazz ou country à quelqu’un, il ne comprendra pas la même chose que vous.
Certains verrons de la country dès l’apparition d’un chapeau de cowboy, d’autres verront du punk dans l’attitude d’un groupe ou plus prosaïquement les derniers s’attacheront uniquement à la musique pour effectuer un classement.
Historiquement, aux USA, le genre d’une musique a été souvent déterminé par la couleur de peau de l’interprète ou par celle de son public.
Il y avait clairement de la musique de blanc et de la musique de noir.
Par exemple, la musique d’Elvis était classée dans la catégorie Rock’n’Roll, même si elle n’a pas été créé pour lui. Pourtant elle prenait ses racines dans le R’n’B, le Gospel et le blues, genre qui à l’époque était « réservés à la communauté noire ».
Plus récemment, en 2018, Lil NAs X et son old time road ne sont pas restés longtemps classés dans le top country de Billboard, pourtant le titre a une filiation plus qu’évidente avec ce genre et l’artiste lui-même le définissait ainsi.
Tout ça pour dire que les genres sont des outils imparfaits, souvent hérités de façon de penser archaïques voire carrément barbares.
Or le streaming rebat les cartes puisqu’il permet à un auditeur de trouver tout ce qu’il veut sans avoir à se poser une seule seconde cette question du genre.
Vous avez des possibilités infinies de découvertes sans avoir besoin de penser genres musicaux.
D’ailleurs, si les playlist de contexte / ou d’humeur, vous savez les playlist de sport, de ménage, ou s’appelant chill, apèro ou fiesta connaissent autant de succès sur les DSP, ce que cette classification fait écho au mode consommation du public.
Il est probable que les genres aient de moins en moins d’importance aux yeux du public. Disparaitront-ils pour autant, rien n’est moins sûr.
L’enjeu pour l’industrie sera de trouver un moyen de classer la musique, ce qui du point de vue business reste une nécessité, tout en s’affranchissant du poids historique des genres.
Ça s’annonce compliqué mais c’est un sujet passionnant !
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