La bruine toujours pleure
Sur notre sol consterné ;
Le soleil piteux demeure
De brouillards enfariné.
La neige, fourrure blanche,
Ourle le rebord des toits ;
Elle poudre chaque branche
De la perruque des bois.
Sous son linceul elle enferme
Les plus lointains horizons ;
À la barbe du Dieu Terme
Elle suspend des glaçons.
Dans ses rets froids et tenaces
Au vol elle abat l’oiseau,
Et, se durcissant en glaces,
Fige le poisson dans l’eau.
Sur la vitre des mansardes
Elle étale ses pâleurs,
Et fait aux lunes blafardes
Un teint de pâles couleurs.
Des Vénus trop court vêtues
En cachant la nudité,
La neige tisse aux statues
Un voile de chastité.
Bonne en ces heures maussades,
En ces mortelles saisons,
Elle fournit des glissades
Pour la jeu des polissons !
Elle coiffe la montagne
D’un cimier fol et changeant,
Et jette sur la campagne
Son manteau de vif-argent.
Sous les pieds de la fillette
Elle étend son blanc tapis,
Et pour l’amant qui la guette
Rend ses pas plus assoupis.
Elle attache la pituite
Au nez transi des bourgeois ;
Mais au rêveur qui médite
Elle dit, trouvant la voix :
C’est moi qui suis ta Giselle,
Ta vaporeuse willi ;
Je suis jeune, ja suis belle,
J’ai froid ; - ouvre-moi ton lit !
Déposant ma houppelande
Et mes gants en peau de daim,
Je te dirai la légende
Du grand paradis d’Odin.
Or, un poète un peu tendre,
Et qui chez lui fait du feu,
Ne peut jamais faire attendre
Une fillette à l’oeil bleu !
1 janvier 1850.
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