Ça fait plaisir de vous retrouver parce qu’à un moment on n’y a plus cru... de se retrouver comme ça... ensemble au même moment dans le même espace...
La pandémie a violemment frappé la musique. Et je dirais que nous, les musiciennes et les musiciens on a pris l’habitude. Rappelez-vous en 1982 l’invenIon de la boite à rythme Lind drum qui a fait perdre leur job à des milliers de baJeurs. Souvenez-vous du 14 juillet 1995 ou au Fraunhofer InsItut des chercheurs ont anéanI notre modèle économique. Oui, je vous parle de l’invenIon du MP3 qui a arrêté brutalement la vente physique de disques. Puis, un événement brutal et inimaginable dans une salle de concert comme celle-ci. C’était le 13 novembre 2015 au Bataclan. Et puis le 17 mars 2020, il y a eu le début des confinements. J’ai eu peur comme tout le monde et je me suis assis sagement sur un sofa pour commander ma vie chez Amazone et en écoutant les nombreux spécialistes.
Je n’ose pas m'imaginer ce que ce serait-il passé dans ces appartements en ville trop peIts, construits pour les quiJer le maIn pour aller au boulot ou à l’école et revenir seulement le soir, pour manger vite fait un bout, allumer la télé avant d'aller se coucher. Pour recommencer le maIn suivant... Je me demande ce qui se serait passé si vous n'aviez pas pu vous plonger dans un livre, si vous n'aviez pas pu regarder un film ensemble, si vous n’aviez pas mis vos écouteurs et écouté un morceau de musique. Est-ce que ces gestes n’ont-ils pas alimenté nos âmes ? Ils nous ont aidé à traverser ces jours interminables. Malgré ça, les gouvernements jugeaient que les arIstes et la culture étaient inuIles. Don équipe et moi avons créer « Le radeau des InuIles » : un théâtre hors les murs et iInérant. Après avoir reçu deux injections dans mon bras, j’ai repris confiance qu’on pourrait à nouveau refaire ce geste social, culturel, humanisant qu’est un concert et qu’en été 2021, on pourrait jouer dehors, en respectant les distances et en étant masqués. J’ai commencé à « baratiner » à mon
équipe qu’on construirait un théâtre ambulant avec une scène en forme de radeau. Avec ce radeau, on pourrait jouer dehors, séparés, masqués mais on pourrait jouer.
Donc, je suis retourné en Suisse pour accompagner mes parents qui étaient très âgés, fragiles et seuls.
Tous les mercredis à 15h00 en Suisse, il y avait les annonces des conseillers fédéraux, l’équivalent de vos ministres. Ces annonces étais beaucoup plus rassurants, moins excités, plus terre à terre que l’on a eu l’habitude en France... Ces annonces commençaient avec un « Chères et Chers compatriotes, nous sommes tous épuisés, confus et anxieux. Mais, après consultation des spécialistes, il sera donc bientôt possible de se retrouver pour des activités sportives et culturelles, à l'extérieur, séparés, masqués... ». Et là, j’ai dit à mon équipe : « let’s do this » !
Il y avait la possibilité de jouer devant combien Simi? Simi, c’est mon bassiste. Il a fait des études, lit tous les journaux, a un bonne mémoire et est parfaitement bilingue.
- Simi : 15 personnes !
Quinze personnes ! Je vous montre ! On allume un peu la salle. Désolé si vous êtes tout devant, ça va tomber sur vous. Eis, zwöi, drü, vier, ... Quand je suis sérieux je parle suisse. Eis, zwöi, drü, vier, füf, .. Ça c’est 11, 12, 13, 14, 15. Voilà, ça c’est 15 ! Voilà, c’était notre public ! Un public de 15, ca n’a aucun sens économiquement !
J'ai dit : « allons jusqu'au bout » ! On pourrait leur faire à manger, leur servir des bons vins (parce que le Radeau a commencé son existence dans les vignobles en terrasses du Lavaux au bord du Lac Leman). On a donc commencé à servir de la nourriture et du très bon vin au 15...sans demander d’argent ! L’ambiance était familiale, très, très intimiste... Mon idée de génie du business était de laisser choisir le public de décider combien une soirée comme ça valait pour eux. Je reviendrai plus tard sur mon génie dans le marketing.
Et un mois après c’était combien de personnes autorisées dans le publis ?
- Simi : Cinquante !
Cinquante ! On ne va pas refaire le jeu de faire lever 50 personnes dans la salle. Mais pour faire court, dans l’équipe il y a : 3 cuisiniers, 4 serveurs, 4 musiciens et 2 techniciens. Et j’ai conInué, en bon génie du marketing, à laisser choisir le public suisse combien valait un concert.
Mesdames et messieurs, vous savez pourquoi les Suisses ont beaucoup d’argent ? Parce qu’ils le gardent dans leurs poches.
Vous vous souvenez de ces « Les artistes, nous vous manquez !». Pour 80% du public, ce manque d’écouter un groupe live, manger et boirese retrouvait dans le chapeau digital (avec un QR Code). Les 20% restant ont exercé leur droit d’être radin a commencé à se faire senIr dans la trésorerie du projet. Qu’est-ce que la presse a écrit ? Que c’était... ?
- Simi : Un triomphe artistique !
Un triomphe artistique ! Et en sous-titre ?
- Simi : Une débâcle économique !
SE : On ne s’est pas arrêté là et en juin à Berne : combien de personnes étaient autorisées dans la salle ? Pardons ! Dans le parc de la villa Morillon ?
- Simi : 300 !
300 personnes ! Douze cuisiniers et toujours la même rentabilité. Mesdames, messieurs. C’était vraiment un de mes aventures les plus émouvantes.
C’était vraiment quelque chose de sublime. On a accosté le Radeau dans des lieux qui n’étaient pas prévus pour faire de la musique : sur un glaciers, dans une clairière, des vignes, ... Et j’aurais aimé vous amener le radeau mais malheureusement je l’ai cassé, oui ! Vous voulez voir un bout?
(SE montre sa guitare électrique fait en un bois usé, pleine de coups et de trous de clous)
J’ai démonté le radeau pour faire des guitares avec ! Il y a encore l’odeur du Radeau : un mélange de larmes, de vin renversé par un pianiste en rigolant, de la sueur d’un batteur, des marques creusées par les battements de pieds d’un bassiste qui groove comme le diable. Grace à ce radeau nommé ironiquement ..., on a pu conserver cet art invisible de l’interaction entre humain qui joue de la musique devant un public.
Merci pour votre présence et votre attention!
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