À ma Mère
Ivory, cher petit village,
Où ma mère, au bord d’un ruisseau,
Regardait son jeune visage
Et causait avec les oiseaux ;
Ivory, doux coin de nature,
Où ma mère, au bord d’un jardin,
Apprenait le chant, la couture,
Et tous les gestes de ses mains ;
Ivory, douceur infinie,
Où ma mère, au bord des soirs frais,
Avec son beau nom de Sylvie ,
Semblait posséder la forêt ;
Ivory, village qui brille
Au bord de tous mes souvenirs,
Lorsque j’étais petite fille
Encor si loin de l’avenir…
Quand, sur une carte de France,
Ce petit nom m’apparaissait,
Il me paraissait plus immense
Que tout ce qui l’environnait ;
Quelle ville aux mille lumières
Pouvait dépasser, dans mon coeur,
L’humble paysage où ma mère
Faisait tant de bouquets de fleurs ?
D’ailleurs, elle eut toujours, ensuite,
Ce talent grave et parfumé :
Avec deux ou trois marguerites,
Quelques lys à demi fermés,
Avec quelques roses vermeilles
Et quelques herbes du gazon,
Elle faisait une merveille
Qui respirait dans la maison.
Son âme avait toutes les grâces ;
Elle lisait peu de romans,
Mais, plein de la saison qui passe,
Son coeur instinctif et charmant
Savait mettre, au bord de la vie
Dans des bouquets roses et verts,
Mille fois plus de poésie
Que je n’en mettais dans des verts !
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