Réquisitoire contre Jacques Séguéla
25 octobre 1982Bananiettes, Bananiets,
Super-Chariots, Super-Charlottes,
Françaises, Français,
Belges, Belges,
Monsieur le Massif central au sommet dégarni par endroits,
Public chéri, mon amour.
Jacques Séguéla est-il un con ?
La question reste posée. Et la question restant posée, il ne nous reste plus qu'à poser la ré-ponse. Jacques Séguéla est-il un con ? De deux choses l'une : ou bien Jacques Séguéla est un con, et ça m'étonnerait tout de même un peu, ou bien Jacques Séguéla n'est pas un con, et ça m'étonnerait quand même beaucoup.
Supposons que Jacques Séguéla soit un con. Je dis bien « supposons ». Et j'y tiens. Car jamais, mesdames et messieurs les jurés, car jamais, monsieur le président, jamais et nous le savons, et pas seulement de Marseille, jamais je ne me permettrais, sans preuves, d'insulter un pré-venu, même et surtout quand il s'agit comme aujourd'hui d'un handicapé publico- maniaque de type Napoléon de gouttière minable et incurable, confit dans sa suffisance et bloqué dans sa mégalomanie comme un marron dans le cul d'une dinde. Oui, je sais, la comparaison est ordurière et je prierai le syndicat des dindes ainsi que le Denise Fabre fan-club de bien vouloir m'en excuser.
Supposons que Jacques Séguéla soit un con. Je répète, « supposons ». Car seule l'autopsie pourra nous le révéler à coup sûr. Si Jacques Séguéla est un con et que je le dis froidement, comme ça : « Jacques Séguéla est un con. » Que se passe-t-il ? Eh bien, mesdames et mes-sieurs les jurés, il se passe qu'en vertu des lois démocratiques qui régissent ce pays cet homme est en droit de me traîner en justice pour divulgation d'un secret militaire ! Parfai-tement ! En 1939 déjà, tout le monde, en France, savait que le général Gamelin était un con, sauf les militaires. C'est ça, un secret militaire. De même, mesdames et messieurs, il ne fait aucun doute qu'aujourd'hui, si Jacques Séguéla est un con, il ne fait aucun doute, dis- je, que tout le monde, en France, s'en est déjà aperçu, sauf les militaires. Et les socialistes, évidem-ment, qui n'avaient déjà pas tout compris, pour Gamelin, mais, bon, on n'est pas là pour en-foncer les chariots.
Supposons maintenant que Jacques Séguéla ne soit pas un con. C'est une simple supposition. Si Jacques Séguéla n'est point un con, et que moi, Pierre Desproges, j'affirme le contraire sur l'antenne. Si je dis : « Moi, Pierre Desproges, j'affirme que Jacques Séguéla est un con », que se passe-t-il, mesdames et messieurs les jurés ? Eh bien, c'est très simple : Jacques Séguéla me traîne en justice pour diffamation. Et qui c'est qu'a l'air d'un con ? Lui ou moi ? Imaginons la scène. Jacques Séguéla va voir un juge, un vrai juge, et il lui dit : « M'sieur, y a Desproges, eh ben, y fait rien qu'à dire qu'on est un con. » Et que répond le vrai juge ? » Vous croyez peut-être qu'il répond : « C’est çui qui l'dit qui y est » ? Pas du tout ! Le juge me condamne et colle trois briques d'amende à Claude Villers, qui est finalement le seul responsable après Dieu de toutes les insanités ordurières proférées à longueur de journée dans ce prétoire. Laisserai-je commettre cette infamie ? Laisserai-je punir un homme pour une faute que j'aurais com-mise ? Laisserai-je la justice de mon pays accabler mon Cloclo juste et bon à qui je dois tant et qui m'a sorti de la médiocrité télévisuelle où je stagnais pour me plonger dans la nullité radio-phonique où j'exulte ? Non, Claude, mon frère, je ne le ferai pas ! Non, mesdames et mes-sieurs, je ne le ferai pas. Ce serait inique, et même si y nique pas, c'est pas de sa faute, elle est si minuscule... C'est extrait d'un poème de Lamartine :
Elle est si minuscule...
La vie qui passe au cœur des hommes et qui s'enfuit,
Comme sur l'onde amère où l'écume s'estompe.
Le vieux marin trop ivre face au ciel à minuit.
Secouant sa nouille au vent, en gerbant sur ses pompes.
Tout cela est bien joli - c'est même superbe - mais nous le savons, et pas seulement à la lano-line qui garde à mon visage son irrésistible jeunesse et qui retarde le vieillissement des cel-lules de mes fesses, nous le savons, disé-je avant d'être assez grossièrement interrompu par moi-même, nous le savons. Et que savons-nous ? Rien. Et nous ne savons toujours pas avec certitude si Jacques Séguéla est ou n'est pas un con.
Il y a moins d'un an, Jacques Séguéla a souhaité retirer de l'antenne une émission dont j'étais responsable. Il était mécontent des conneries proférées non pas par moi mais par lui dans cette émission (voir plusieurs journaux, dont Le Quotidien et Libération du 24 novembre 1981). Personnellement, je ne lui en tiens pas rigueur. On a tous des petits travers, lui, c'était son petit côté « La censure lave plus blanc ». Et surtout, surtout, le fait de regretter d'avoir dit des conneries n'est pas la preuve qu'on est con soi-même ! C'est même exactement le contraire ! Ce qui me chiffonne un peu, ce qui me gêne pour vous, Jacques Séguéla, qui êtes tout le contraire d'un con, comme je viens de le démontrer avec un brio qui m'étonne moi- même, ce qui me gêne c'est que, aujourd'hui encore, dans cette émission, vous venez de dire pas mal de conneries. Je ne saurais donc trop vous recommander d'exiger l'interdiction de cette émission du Tribunal des Flagrants Délires, ne serait-ce que pour la formidable publicité que ne manqueront pas de vous faire à cet égard mes nombreux amis journalistes qui se sont déplacés aujourd'hui tout exprès pour venir admirer ici le plus génial publiciste de France, l'homme qui a su mieux que personne rehausser le vinaigre algéro- italien au rang de saint-émilion, la merde en boîte au niveau dû cassoulet toulousain, et le revenant de la Quatrième au rang d'homme providentiel.
Merci à toi, Majesté Séguéla, roi incontesté et solitaire de la réclame, merci à toi, qui, sel de tous tes confrères, as réussi à nous convaincre une fois pour toutes qu'une société sans publi-cité, c'est aussi inconcevable qu'un poisson sans bicyclette.
Jacques Séguéla : Après sa formidable réussite dans la promotion de Jospin, ce publicitaire devrait enfin devenir pianiste dans un bordel tant qu'il peut encore voir les touches.
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