Comment fais-tu l’amour, Cerise ?
Au crépuscule conjugal
L’ennui des nuits te paralyse
Et ton beau corps lit le journal.
Comment fais-tu l’amour, Cerise,
Mais le vrai, celui qui te monte
Au ciel et te souffle sa brise
Et te réchauffe et te fait honte ?
Le fais-tu nue dans les moissons
Pour que nul ne voie au passage
Ta récolte de cheveux blonds
Ta peau de blé sous les nuages ?
Le fais-tu vite entre deux portes,
Avec la peur qui bat les tempes ?
Le fais-tu sur les feuilles mortes
Aux jours où ton coeur se détrempe ?
Comment fais-tu l’amour, Cerise,
En quel louche hôtel de province,
Sous quels papiers peints de bêtise,
Sur quel sommier qui pleure et grince ?
Avec qui le fais-tu, Cerise,
Avec qui ton petit naufrage,
Le représentant de chemises
Ou le quincaillier du village ?
Par quel vulgaire, ô ma Cerise,
Te laisses-tu pincer les fesses,
Toi que le médiocre méprise
Puisque tu es beauté, jeunesse ?
Beauté, jeunesse, ils ne s’en servent
Que pour oublier leurs factures,
Ils craignent l’oeil qui les observe
Et regrimpent dans leur voiture.
Comme je te vois, ma Cerise...
Tu n’as plus qu’à te rhabiller,
Ta bouche est froide triste et grise
Ton âme rend son tablier.
Comment fais-tu l’amour, Cerise,
Mais le vrai, celui qui te jette
A la mer et te brutalise
Et t’offre en gerbes les violettes ?
Le fais-tu toute seule au soir
Quand la main vous tombe des nues
Et s’attarde autour de l’espoir
Comme au seuil d’un monde inconnu ?
Elle se traîne sur ta cuisse
Devient d’orange et puis d’alcool,
C’est bien le moins qu’un être puisse
S’endormir sous ses tournesols.
Je te ferai l’amour, Cerise,
Et je veux dans un lit tout blanc
Te jurer sur Dieu que Venise
Que Venise existe vraiment.
Dans un lit tout blanc, ma Cerise,
Dans un lit tout blanc tu seras
Blanche comme dans une église
Et sans masque de Mardi-Gras.
Je te ferai l’amour, Cerise,
Nous suivrons même tous les deux
A mon gré ensemble à ta guise
Le grand voyage de tes yeux.
La chambre sera noire et blonde
Et de campagne et de champagne,
Je serai en toi si profonde
Ce qu’est le Rhin pour l’Allemagne.
Comment fais-tu l’amour, Cerise ?
Tu me le diras à l’oreille,
Je le fais sans chevaux de frise
Avec qui j’aime, mon abeille.
Mon abeille, j’entre en ta ruche,
Le miel sera bon cette année
Fait des fleurs de tes fanfreluches
Et du bois de la cheminée.
Avec douceur prends me cheveux,
Ferme tes yeux mi-bleus mi-verts,
Avec douceur allume un feu
Un feu de toi pour notre hiver.
Comment fais-tu l’amour, Cerise,
Par temps clair ou quand il a plu ?
- J’attends que les étoiles luisent,
Et puis ne me demandez plus
Comment fais-tu l’amour, Cerise ?
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