J’avais à peine du poil au torse
À peine les joues un peu velues
J’étais encore moins homme que gosse
Que déjà c’était le début
De c’qui allait me faire porter
Tout plein d’bonnets et de casquettes
À deux ch’veux d’la maturité
J’avais déjà les tempes désertes
C’était à l’heure où tout commence
La vie, l’amour, la séduction
J’avais à peine du poil au ventre
Que j’en avais plus sur le front
J’quittais à peine l’adolescence
Qu’on m’appelait déjà « monsieur »
Tous mes amis avaient des franges
Qui leur pendaient devant les yeux
Moi sur ma carte d’étudiant
J’avais des airs de quarantenaire
J’ai été vieux avant mon temps
Par défaillance capillaire
J’laissais pousser c’qui voulait bien
Sur mon terrain pas très fertile
J’entretenais mon restant d’foin
De mon peigne fin, d’un geste habile
J’rapatriais mon côté gauche
Par p’tits filets vers l’côté droit
Et j’me sentais un peu moins chauve
Un peu moins laid, un peu moins plat
Et j’postulais pour des emplois
Qui demandaient de l’expérience
Et les patrons voyaient en moi
Disons...un homme de confiance
Quand la trentaine m’assomma
C’tait plus la peine, c’était foutu
Ma p’tite quinzaine de ch’veux gras
Ben fallait que j’mette une croix d’sus
J’ai pris l’rasoir à contrecœur
Et bon, j’me la suis fait reluire
Ma p’tite caboche à qui l’Seigneur
A refusé le droit d’fleurir
Puis j’me suis mis à m’entraîner
J’avais les bras comme des jambons
Et dans l’miroir, j’ai cru déceler
De la beauté dans mon crâne rond
Je suis passé d’commis d’bureau
À garde-du-corps de renom
J’avais beau croiser des afros
J’me sentais plus comme un morpion
Soudain, les filles me trouvaient beau
Et j’ai même vu des garçons
Des jeunes touffus s’raser l’coco
Sans la plus maigre hésitation
Avec l’incroyable intention
De multiplier les conquêtes
Crânes à poil sous les néons
Heureux de s’balader nue tête
Aujourd’hui, je n’ai pas d’cheveux
Non mais j’en suis fier comme un paon
Un qui déploie bien grand la queue
Et qui reçoit plein d’compliments
L’image est peut-être mal choisie
Mais vous voyez où j’veux en venir
Avant, j’souffrais de calvitie
Maintenant, j’en retire du plaisir
Au nom de tous les dégarnis
Je dis « youpi », je crie ma joie
Et je n’éprouve aucune envie
Quand j’pense à Robert Charlebois
À c’que ça coûte de shampoings
De brosses à chien pis de spray net
Alors que moi, je n’ai besoin
Que d’mon savon pis d’ma serviette
Au nom de tous les dégarnis
Je dis « tant pis pour les chevelus»
Justin Bieber et compagnie
Ils accumulent du temps perdu
Pendant qu’ils font leur mise en pli
Nous on respire par le cerveau
Au nom de tous les dégarnis
J’dis : « Vive la boule à zéro »
Vive la boule à zéro!
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