Il a teasé la sortie de son album avec deux singles cet été, Goulag et NRV, faisant de 2.7.0 l’un des albums les plus attendus de la rentrée. Notre patience se voit ainsi récompensée en ce vendredi avec cette sortie du nouvel album de Kaaris.
Ultra est une introduction efficace à l’album : sur une instru certes sensiblement un peu trop minimaliste et manquant de profondeur mais sombre à souhait, le Dozo en impose dans un kick d’une pure brutalité. Un Kaaris comme on l’aime finalement.
Mandalorian est dans cette même veine, une instru assez similaire parsemée de quelques ajouts qui lui donnent son intérêt mais manquant tout de même de profondeur. La performance du rappeur est malheureusement bien au-delà de la prod en termes de qualité. Difficile de sélectionner la meilleure punchline de ce titre tant il les multiplie, chacune paraissant toujours meilleure que la précédente. On soulignera néanmoins celle-ci où il fait référence à la fois à Maes, issu de Sevran également mais qui a pris le parti de Booba dans leurs clashs, s’attirant donc les flammes du Dozo, mais également à 13 Block, qu’il considère comme ingrats de ne pas l’avoir invité sur le projet de compilation de rappeurs de Sevran alors que c’est lui-même qui a mis la lumière sur la ville. Le tout dans quelques phrases dont on aurait pas aimé être le destinataire.
Deux Deux est pour sûr l’un des morceaux les plus attendus de l’album du fait de cette collaboration avec Bosh, rassemblant ainsi deux des plus grosses brutes du rap français. Et la connexion est pour le coup on ne peut plus efficace. Leur kick est sauvage au possible, mais l’on regrettera tout de même la faiblesse de l’instru, que l’on trouvera sans doute trop générique.
Comme prévu, le featuring avec Dadju sur Piquée est évidemment une zumba énergique et ensoleillée. Si le titre n’est pas d’une grande élaboration, on reconnaîtra qu’il rentre assez bien en tête et qu’il fera office d’un très bon titre de soirée pour l’album. Encore une fois l’instru aurait pu être plus énergique, d’autant que l’idée détenait un certain potentiel ; mais il manque encore et toujours quelque chose dans la production. C’est dommage puisque le titre aurait pu vite devenir un hit de clubs.
« Bang, bang, bang, j'ai dû baisser ma garde / Dieu merci, elle a touché que mon premier cœur »
De même, le feat avec le grand frère de Dadju sur 1er coeur est tout naturellement un titre dansant et accessible. Si c’était prévisible, ce n’est pas moins désagréable. Il faut dire que Gims, de sa voix, n’a pas l’habitude des échecs, avec son sens de la mélodie aiguisée. On y a même l’honneur de voir un Kaaris chantonnant. Certes il a du mal à jouer les loveurs aussi bien que son camarade, mais on le voit déjà bien plus mielleux que sur tous ses autres morceaux.
La collaboration la plus surprenante de cet album est bien celle aux côtés d’Imen Es. Visiblement Kaaris tient à donner à la jeunesse sevranaise, au dépit de son âme noire qu’il a remis sur le devant de la scène tout au long de l’album. Il faut dire que la jeune chanteuse sait apporter son contraste aux titres rap, de par sa mélancolie, sans besoin que les rappeurs ne se plient à un ton mielleux : ce titre est on ne peut plus probant de ce point de vue. On saluera également la capacité de Kaaris à poser sur une instru considérablement différente des précédentes.
Réussite est une outro exquise. Sur une instru mélancolique qui fait suite à celle du titre précédente, Kaaris kicke sans relâche dans un couplet unique avec une maîtrise à en faire rougir plus d’un. Il y conte l’histoire de sa carrière, n’oubliant pas de saluer ceux qui l’ont accompagné et influencé en un signe de reconnaissance, et en rappelant tous les obstacles qu’il a traversé. Son introspection le fait revenir sur tous les faits les plus marquants, sans oublier tout naturellement ses conflits avec Booba. Et quand on pourrait s’attendre à un énième diss, il se contente en fait de narrer les faits avec une teinte de mélancolie.
L’authenticité du morceau le rend assez saisissant, nous plongeant dans le coeur noir du rappeur. De loin ce titre est le meilleur du projet.
La touche finale de l’album aura sans doute fini de convaincre les auditeurs de sa qualité. Kaaris ouvre et conclus son album en beauté, reste fidèle à lui-même sur une direction artistique consistant à kicker majoritairement sur ses sons et plonger dans un univers sombre, tout en parsemant son album de quelques morceaux plus légers, mielleux et festifs. L’album saura de ce fait parler à tout le monde, même si certains puristes qui rêvent encore de le revoir comme sur Or Noir seront sans doute déçus. Kaaris a évolué, a su proposer quelque chose de différent, et c’est ce qui rend cet album d’autant plus appréciable.