Tu barres sans cesse des noms dans ton carnet d'adresses
Plusieurs fois sur le mois, tu suis un enterrement
Tes copains de 20 ans ont fait la malle, tu restes
Puis les docteurs te disent qu't'en n'as plus pour longtemps
Devant le Père Lachaise, tu déposes une pierre
Terriblement tombale, où tu tagues ces mots
"L'État a investi pour ton avenir, jeunesse
Faites-nous d'la place, les morts, on arrivera bientôt"
Dans la rue, tu répètes à qui veut bien l'entendre
Qu'y a pas de temps à perdre, alerte, alerte, alerte
Et des cornes de brume bousculent le silence
Des passants affairés, soudainement inquiets
Tu dis "Ce qui m'arrive peut arriver à tous
À toutes, et le remède, on le trouvera peut-être
Si avant l'an 2000, l'immunité de l'être
Se trouvait rétablie, imagine la fête
En attendant ce jour, t'es interdit d'amour
Dans certains pays, t'es interdit d'séjour
On te montre du doigt, tu vis comme en exil
T'es plus chez toi, chez toi, dans ta propre famille
Tu mets minutieusement en scène ton départ
Tu allumes un grand feu, pour percer le brouillard
Pour vivre encore plus fort, conjurer le hasard
Avant de plonger nu dans le rouge et le noir
Tu assistes impuissant à ta marche vers l'ombre
Attentif à ton corps, qui t'échappe lentement
Un grand vent a soufflé, et les navires sombrent
Tu es au bord du gouffre, tu sais ce qui t'attend
Le pays d'après-vie, nul n'a dit ce qu'il cache
Seras-tu mieux là-bas, qu'ici sur ce volcan
Ou gisant sous la terre, définitive marche
Explorant les ailleurs, en plein enciellement?
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