Sur ce grabat, chaud de mon agonie,
Pour la pitié je trouve encor des pleurs ;
Car un parfum de gloire et de génie
Est répandu dans ce lieu de douleurs ;
C’est là qu’il vint, veuf de ses espérances,
Chanter encor, puis prier et mourir :
Et je répète en comptant mes souffrances :
Pauvre Gilbert[1], que tu devais souffrir !
Ils me disaient : Fils des Muses, courage !
Nous veillerons sur ta lyre et ton sort ;
Ils le disaient hier, et dans l’orage
La Pitié seule aujourd’hui m’ouvre un port.
Tremblez, méchants ! mon dernier vers s’allume,
Et si je meurs, il vit pour vous flétrir…
Hélas ! mes doigts laissent tomber la plume :
Pauvre Gilbert, que tu devais souffrir !
Si seulement une voix consolante
Me répondait quand j’ai longtemps gémi !
Si je pouvais sentir ma main tremblante
Se réchauffer dans la main d’un ami !
Mais que d’amis, sourds à ma voix plaintive,
À leurs banquets, ce soir, vont accourir,
Sans remarquer l’absence d’un convive !…
Pauvre Gilbert, que tu devais souffrir !
J’ai bien maudit le jour qui m’a vu naître ;
Mais la nature est brillante d’attraits,
Mais chaque soir le vent à ma fenêtre
Vient secouer un parfum de forêts.
Marcher à deux sur les fleurs et la mousse,
Au fond des bois rêver, s’asseoir, courir,
Oh ! quel bonheur ! oh ! que la vie est douce !…
Pauvre Gilbert, que tu devais souffrir !
1832.
Paroles2Chansons dispose d’un accord de licence de paroles de chansons avec la Société des Editeurs et Auteurs de Musique (SEAM)