Mes cheveux repousseront
D’ici deux ou trois saisons
Et ceux qui m’ont aimée m’oublieront
D’ici deux ou trois saisons
Mes cheveux repousseront
D’ici deux ou trois saisons
Et ceux qui m’ont tondue m’aimeront
D’ici deux ou trois saisons
Un lundi, peut-être un mardi
Ils sont venus me chercher
Deux hommes forts et bien bâtis
Qui se sont mis à gueuler
« Au nom de la loi, de nos fusils, au nom de nos amis tombés
Au nom de Dieu, de la patrie, au nom de qui vous voulez, ouvrez ! »
Mes cheveux repousseront
D’ici deux ou trois saisons
Et ceux qui m’ont tondue m’aimeront
D’ici deux trois saisons
On m’a mise à moitié nue
Sur une scène haut perchée
Pour que tous les voisins, toute la rue
Puissent bien en profiter
Enfin j’ai senti, enfin j’ai vu
Mes bouclettes, ma féminité
Dispersées dans la cohue
Au nom de l’honneur et de la virilité
Le pays est rassuré
Ses enfants ont rapporté
Le drapeau tricolore et le corps des femmes
Qui leur avait échappé
Mes cheveux ont repoussé
Depuis ce terrible été
Et le grand blond aux yeux bleus qui m’avait aimée
N’a jamais rien regretté
Mes cheveux ont repoussé
Et l’enfant que j’ai porté
A grandi, a appris et a retrouvé
La tombe des justiciers
A grandi, a appris et cent fois a pissé
Sur la tombe des justiciers.
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