À Gustave Kahn.
Un jeune homme qui a beaucoup souffert
traverse la place du hameau vert.
La chaleur est immense. Il passe devant
l’auberge et une modeste grille
où s’entortillent des roses et de la vigne.
La douce hirondelle poursuit les guêpes
dans le silence. C’est l’heure des vêpres.
Il entre doucement, sans être aperçu,
dans l’église pauvre où les voix aiguës
des Filles de Marie font un chant frais.
Au dehors, silence. La vieille forêt
où dorment les écureuils et les piverts
rappelle ces beaux dessins qui ornent
quelque botanique d’une autre époque
donnée en prix à des personnes mortes.
Le jeune homme voit dans le banc,
qui luit d’ombre douce, de vieux paysans.
Il voit l’autel pâle aux belles fleurs peintes,
le curé chantant et les belles teintes
que la lumière jette sur les dalles.
Une jeune fille qui est très belle,
sous le jour d’un vitrail est violette.
Ce jeune homme sort des vêpres ému
par la piété de la jeune fille.
C’est une jeune fille de bonne famille
qui habite une vieille maison perdue
sous des arbres, avec son père et sa mère.
Le jeune homme dont la vie a été amère
revient plusieurs fois à ces mêmes vêpres.
Il devient pieux. Il est présenté
aux parents de la jolie jeune fille
par le vénérable et bon curé.
Bientôt les deux jeunes gens sont fiancés
et, le soir, quand le jeune homme y a dîné,
ils vont tous les deux se promener
le long des fleurs en nuit dans les allées.
Il dit : je vous aime. Alors elle est heureuse.
Un rossignol enchante la nuit amoureuse,
musicale chose pluvieuse,
et son chant délicieux se mêle au
parfum des iris et à la chanson de l’eau.
Ainsi va la vie. Ils furent mariés
par le bon curé quelques jours après.
Et le jeune homme au coeur malheureux
fut guéri pour toujours, et pieux.
Mars 1897.
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