Mes doigts, touchez mon front et cherchez, là,
Les vers qui rongeront, un jour, de leur morsure,
Mes chairs ; touchez mon front, mes maigres doigts, voilà
Que mes veines déjà, comme une meurtrissure
Bleuâtre, étrangement, en font le tour, mes las
Et pauvres doigts et que vos longs ongles malades
Battent, sinistrement, sur mes tempes, un glas,
Un pauvre glas, mes lents et mornes doigts !
Touchez, ce qui sera les vers, mes doigts d'opale,
Les vers, qui mangeront, pendant les vieux minuits
Du cimetière, avec lenteur, mon cerveau pâle,
Les vers, qui mangeront et mes dolents ennuis
Et mes rêves dolents et jusqu'à la pensée
Qui lentement incline, à cette heure, mon front,
Sur ce papier, dont la blancheur, d'encre blessée,
Se crispe aux traits de ma dure écriture.
Et vous aussi, mes doigts, vous deviendrez des vers,
Après les sacrements et les miséricordes,
Mes doigts, quand vous serez immobiles et verts,
Dans le linceul, sur mon torse, comme des cordes ;
Mes doigts, qui m'écrivez, ce soir de rauque hiver,
Quand vous serez noués les dix sur ma carcasse
Et que s'écrasera sous un cercueil de fer,
Cette âpre carcasse, qui déjà casse.
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