Des allées, des chants d'oiseaux, un cortège de
manteaux noirs, désolé, sans un mot, en silence, en
mouchoirs. Tu nous manquais déjà et ce n'était que le
début, il ne manquait que toi, notre cher disparu.
Quelques arbres bien vivants veillaient sur un champ de
granit, monuments pour combattants d'une guerre qu'on
perd tout le temps et beaucoup trop vite. Désormais,
qu'est-ce qu'on va devenir si tout est moche, si tout est
triste ; désarmés qu'est-ce qu'on peut faire, j'ai prié Dieu
pour qu'Il existe. Ces messieurs des pompes funèbres,
au recueillement professionnel, glissaient à la corde le
cercueil aux dorures inutiles. Une dame à ce moment-là
a dérapé dans les graviers, en poussant un râle comme
ça "haaa" qui m'a fait rigoler.
Un fou rire à un enterrement, je m'en veux, je m'en veux
vraiment, c'était nerveux sûrement, en tout cas c'était
pas l'moment.
Je suis peut-être cruel, complètement insensible, au
moins je n'étais pas le seul à rire le plus doucement
possible. Comme une traînée de poudre, le rire a
enflammé le cortège, tombé sur nous comme la foudre,
le plus beau de tous les sacrilèges. Dos voûtés, têtes
baissées, j'ai honte à le dire, on poussait des petits cris
étouffés, on était morts de rire. Nos larmes alors,
n'étaient plus des larmes de chagrin, et c'était pas par
pudeur si on cachait nos visages dans nos mains. À
petits pas la procession, l'indigne file d'attente, a
retrouvé l'émotion devant la tombe béante. Je suis
redevenu sérieux, où avais-je la tête ? À nouveau
malheureux, c'était quand même un peu plus correct.
J'ai pleuré à ton enterrement, je n'avais pas le choix, tu
n'étais plus là comme avant, pour rire avec moi.
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