La cloche matinale enfin a sonné l’heure
Où les pâles Willis, qu’un jour trop vif effleure,
Près du sylphe qui dort vont se glisser sans bruit
Au coeur des nénufars et des belles-de-nuit ;
Giselle défaillante avec de molles poses
Lentement disparaît sous son linceul de roses,
Et l’on n’aperçoit plus du fantôme charmant
Qu’une petite main tendue à son amant.
- Alors vous paraissez, chasseresse superbe,
Traînant votre velours sur le velours de l’herbe,
Un sourire à la bouche, un rayon dans les yeux,
Plus fraîche que l’aurore éclose au bord des cieux ;
Belle au regard d’azur, à la tresse dorée,
Que sur ses blancs autels la Grèce eût adorée ;
Pur marbre de Paros, que les Grâces, en choeur,
Dans leur groupe admettraient pour quatrième soeur.
- De la forêt magique illuminant la voûte,
Une vive clarté se répand, - et l’on doute
Si le jour, qui renaît dans son éclat vermeil,
Vient de votre présence ou s’il vient du soleil !
Giselle meurt ; Albert éperdu se relève,
Et la réalité fait envoler le rêve ;
Mais en attraits divins, en chaste volupté,
Quel rêve peut valoir votre réalité ?
1845