Je jure le jour et la nuit
Et la froide horreur de la nuit
Où la tristesse me convie,
Que le temps de mon amitié
Doit plus durer de la moitié
Que ne fait celui de ma vie.
Après que mon suprême jour
M'aura porté dans le séjour
Des âmes mieux favorisées,
Mon âme versera des pleurs
Qui feront naître mille fleurs
Dans les campagnes Elysées.
Ce doux et ce poignant souci;
Le même qui me touche ici,
Revivra dans mon âme morte,
Et les esprits qui me verront,
Approchant mon feu jureront
Qu'ils n'en ont point vu de la sorte.
Après moi d'un amour flatteur
Quelque infidèle serviteur
Surprendra tes désirs novices,
Et tu n'as point assez de foi
Pour permettre que mes services
Te fassent souvenir de moi.
Je te conjure par tes yeux
Que j'aime, et que j'honore mieux
Ni que le ciel ni que la terre,
Tôt ou tard de t'en repentir:
Car le ciel te ferait sentir
Quelque pointe de son tonnerre.