Aménaïde, Lyzie et Eugénie de Friberg
O vous, mes jeunes soeurs que je ne connais pas !
Sur l’éternel gazon que caressent vos pas
Je vous vois passer souriantes.
C’est en vain que Thétis, reine du gouffre amer,
Vous cache à mes regards, ô perles de la mer,
Dans ses Antilles verdoyantes.
Poëte extasié que ravissent leurs jeux,
Ce n’est plus dans les bois du Parnasse neigeux
Que mon coeur rêve les trois Grâces ;
Ce n’est plus, Olmios, vers tes flots argentés
Que j’égare mes yeux et mes vers enchantés,
Dans le sable d’or où tu passes !
C’est vers ce paradis désiré des marins,
Où sous les bananiers et dans les tamarins,
Les sylphes de l’air font la sieste,
Où cent îles en fleur, filles des Océans,
Sous les magnolias lavent leurs pieds géants
Dans une mer d’un bleu céleste.
C’est parmi les saphirs où ces riants îlots
Sortent comme Cypris de l’écume des flots,
Peuplés de soudaines féeries,
Où, près de l’ananas et du pâle oranger,
Le hamac, suspendu comme un oiseau léger,
Berce les molles rêveries.
Je vous vois dans l’air pur de ces jardins si doux,
Causant et souriant, tandis qu’une de vous,
Ainsi qu’une amazone ailée,
Devance les éclairs et s’avance en rêvant
Sur un cheval fougueux, qui fustige le vent
De sa crinière échevelée.
Je vous vois, et mes vers fendent le ciel brumeux.
Puissent un jour me prendre et m’emporter comme eux
Sur le dos de la vague blonde,
Avec leurs mille pieds, pour mes désirs trop lents,
Ces navires de feu dont les baisers brûlants
Laissent une ride sur l’onde !
Juillet 1850.