Comme l’autre Ophélie,
Dont la douce folie
S’endort en murmurant
Dans le torrent,
Pâle, déchevelée
Et dans l’onde étoilée
Éparpillant encor
Ses tresses d’or,
Et comme Juliette,
Qui craignait l’alouette
Éveillée au matin
Parmi le thym,
Elle est morte aussi jeune
Au bel âge où l’on jeûne,
Ta pensive Mimi
Au front blêmi,
Et, dans la matinée
De la vingtième année,
Elle a fermé ses yeux
Insoucieux.
Parmi les pâles ombres
Qui, joyeuses ou sombres,
A l’entour de ton front
Voltigeront,
Dis, il en est plus d’une
Dont la tendre infortune
Souvent nous consola :
Mais celle-là,
C’est notre bien-aimée !
Sa trace parfumée
Reste encor dans les champs
Avec nos chants !
Lorsque, dans la nuit brune,
Un frais rayon de lune
Argente les berceaux
Et les ruisseaux,
Ta naïve Giselle
Effleure de son aile
Des lys et des rosiers
Extasiés,
Et, diaphane et blanche,
Le soir vers nous se penche,
En posant ses deux mains
Sur les jasmins.
Sa plainte triste et pure
Dans le ruisseau murmure,
Et s’envole en rêvant
Avec le vent.
Que le printemps renaisse,
Ame de ta jeunesse,
Elle tressaille aux sons
De tes chansons,
Et parfois se soulève,
Pour les entendre en rêve
Dans la brise passer
Et s’effacer.
Rendors-toi, dors heureuse,
Pauvre fille amoureuse :
Notre amour te défend
Comme un enfant !
Croise tes mains d’ivoire :
Car, du moins, ta mémoire
Qui sait nous attendrir,
Ne peut mourir !
Que
le zéphyr en fête
Te berce ! le poëte,
Qui jadis te pleura,
Se souviendra !
Dans l’herbe toujours verte
Où, de roses couverte,
Penche sous le tombeau
Ton front si beau,
La fleur de la prairie
Brille, toujours fleurie,
Et peut se marier
A son laurier !
Mai 1855.