Il faut se souvenir. Tu revenais de trop loin.
Toi l’homme du lointain. Si loin que rien en toi ne résonnait humain. La barbe trop longue, le chapeau de feutre, presque en accordéon, le soulier éculé, la veste élimée, les mains blanches, le dos voûté. Tout en toi. De trop.
Les enfants, cruels, qui répètent, se gaussaient de toi.
Les femmes maugréaient des injures. Les hommes criaient l’ignominie. Laquelle ? Ils criaient. C’est tout.
Dans toutes les directions.
Toi-même. Serait-ce un grief ? Tu t’éloignas.
As-tu voulu notre résistance ? As-tu désiré l’entraide ?
Tu n’avais que ton Dieu. Cet Être si étranger.
Tu avais le tragique de l’homme, mais plus la dignité.
Tu étais trop loin, trop lointain. Ta langue. Une barrière. Ton culte. Une borne. Ta manière d’être. Un repli.
Tu n’étais pas rien. Mais moins que rien. On te reconnaissait, de peur de tout confondre. Car souvent nous sommes les mêmes. On te distinguera par l’étoile.
Étoile de David.
Sur ton gilet noir. De la couleur vive du désespoir.
Un jaune cru. Tu t’éloignes de toutes les frontières, de toutes les limites. Je suis cette limite, cette frontière. Comme tous. Nous sommes la borne.
Le douanier de toute culture. Responsabilité du lointain. Responsables de celui qui s’éloigne de toi, de moi.
Nous sommes. Toujours et pour toujours.
Il faut. Nous nous devons. Un devoir du lointain.