À Henri de Labattut.
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Venez, Bretons, venez sous ces érables,
Venez danser au son de nos bignous ;
Venez sourire à mes chansons aimables :
Dans mon printemps j’ai dansé comme vous ;
Mais je faiblis et penche vers la tombe,
Demain, hélas ! mes doigts seront glacés !…
Venez apprendre, avant que je succombe,
Les vieux refrains dont je vous ai bercés.
Souvenez-vous, enfants de l’Armorique,
Que la Bretagne est le champ du repos ;
Souvenez-vous que, de son sol magique,
La Gaule a vu jaillir mille héros.
La liberté, qui chérit ce rivage,
De ses rameaux couvre vos jeunes uns.
Des Duguesclin gardez bien l’héritage,
Car cette terre est vierge de tyrans !
Sur le sommet de ce roc granitique,
Gisent, épars, des autels, des dolmeins.
Dans ces forêts, le barde druidique,
A VOS aïeux dévoilait leurs destins !
Farouches mœurs ! peuple tout germanique,
Qu’ici César reconnaîtrait encor,
Votre langage est ce même celtique
Qu’à ses guerriers parlait l’Enfant du Nord !
Mais le jour fuit, et les ombres grandissent,
Et la vapeur enveloppe nos toits
Fuyons ces lieux que les esprits chérissent ;
Aux noirs sorciers la nuit rend tous leurs droits.
Fuyons ! je vois au loin, sur les montagnes,
Les nains danser à l’entour des peulvans ;
Et les huars hurlent eu ces campagnes.
Fuyons, Bretons, il en est encor temps !