Quand j'ay bien faim et que je mange
Et que j'ay bien dequoy choisir,
Je ressens autant de plaisir
Qu'en grattant ce qui me demange.
Cher Amy, tu m'y faits songer :
Chacun fait des Chansons à boire,
Et moy, qui n'ay plus rien de bon que la machoire,
Je n'en veux faire qu'à manger.
Quand on se gorge d'un potage
Succulent comme un consommé,
Si nostre corps en est charmé,
Nostre ame l'est bien davantage.
Aussi Satan, le faux glouton,
Pour tromper la femme premiere,
N'alla pas luy monstrer du vin ou de la biere,
Mais dequoy branler le menton.
Quatre fois l'homme de courage
En un jour peut manger son saoul ;
Le trop boire peut faire un fou
De la personne la plus sage.
A-t'on vidé mille tonneaux,
On n'a beu que la mesme chose,
Au lieu qu'en un repas on peut doubler la doze
De mille differans morceaux.
Quel plaisir lors qu'avec furie,
Apres la bisque et le rosty,
D'un entremets bien assorty
Vient reveiller la mangerie !
Quand on devore un bon melon
Trouve-t'on liqueur qui le vaille ?
Ô cher Amy Potel ! je suis pour la mangeaille :
Il n’est rien tel qu’estre glouton.