A Monsieur Sainte-Beuve
Quand nous respirons cette rose
Au front pâle, au souffle embaumé,
Tu nous dis qu’en son sein repose
Un vers enfermé.
Tu la saisis et tu la cueilles,
Fouillant dans son calice vert
Qui, tout dépouillé de ses feuilles, reste à découvert.
Puis tu fais voir l’insecte avide
Se tordant, roulé tout au fond
De la pauvre fleur au coeur vide
Que tes mains défont.
Eh! Quoi! savant inexorable,
Tuant la rose avant l’hiver,
Tu détruis une fleur aimable,
Pour trouver un vers!
En admirant les belles choses
Avions-nous donc trop de candeur?
Va, grâce à toi, toutes les roses
Vont nous faire peur.
Ah ! plutôt dans les fleurs mortelles
Montre-nous le miel précieux.
Apprends-nous à trouver en elles
Ce qui vient des cieux.
Apprends-nous à laisser la lie
Qui se cache au fond de notre eau.
Et que l’âme immortelle oublie
Le ver du tombeau !