A Eric de Haulleville
Pour veiller ce soir d'hiver
Verse le thé, plus amer
Et violent que le fer,
Où est le plaisir des sages.
Tu te penches sur ce thé
Tu y cherches la santé
Les vertus, la vérité
D'une eau vive et sans nuages.
Or un visage sans prix
Comme de l'or dépoli
Apparaît et te sourit
Dans la liqueur agitée
- Ce ne sont pas là tes yeux
Mais d'un messager des dieux
Le silence sérieux
L'ombre à peine dessinée
Une confidence pure
De l'adorable figure
S'élève, dans un murmure
Que tu ne veux écouter,
- Et, sans plus d'inquiétude,
Pour une moins fine étude
Tu reprends ta solitude,
- Tu bois le reste du thé.
Va ! Détourne ton regard
Des merveilles du hasard
Mais tu pleureras plus tard,
Homme vaniteux et vide,
Ce visage qui chantait
Sans le dire, le secret
D'un si étrange reflet
Dans ce peu de thé limpide.
- Oui, tu empoignes la lyre !
Mais tu ne sais plus sourire,
Et ce sonore délire
Stupide nous touche peu.
A ta chanson toute prête
Manque une vertu secrète
Pour être vraiment poète
Il faut compter avec Dieu.