Oeil attrayant, oeil arrêté,
De qui la céleste clarté
Peut les plus clairs yeux éblouir,
Et les plus tristes éjouir
Oeil, le seul soleil de mon âme,
De qui la non visible flamme
En moi fait tous les changements
Qu'un soleil fait aux éléments,
Disposant le monde par eux
À temps froid ou à chaleureux,
A temps pluvieux ou serein,
Selon qu'il est proche ou lointain.
Car, quand de vous loin je me trouve,
Bel oeil, il est force qu'il pleuve
Des miens une obscure nuée,
Qui jamais n'est diminuée,
Ni ne s'éclaircit ou découvre,
Jusqu'à tant que je vous recouvre ;
Et puis nommer avec raison
Mon triste hiver cette saison.
Mais quand il vous plaît qu'il advienne
Que mon soleil à moi revienne,
Il n'est pas si tôt apparu,
Que tout mon froid est disparu
Et qu'il n'amène un beau printemps
Qui rend mes esprits tout contents ;
Et hors de l'humeur de mes pleurs
Je sens renaître en lieu de fleurs
Dans mon coeur dix mille pensées
Si douces et si dispensées
Du sort commun de cette vie,
Qu'aux dieux ne porte nulle envie.