29 Mon travail donne a deux gloire
Maurice Scève

Poème 29 Mon travail donne a deux gloire

CCLIX [=CCXLIX] .

En permettant, que mon si long pener
Pour s’exercer jamais ne diminue,
Tresaisément te peult acertener,
Qu’en fermeté ma foy il insinue,
Affin qu’estant devant toy ainsi nue,
Tu sois un jour clerement congnoissant,
Que mon travail sans cesser angoissant,
Et tressuant a si haulte victoyre,
Augmente a deux double loyer croissant,
A moy merite, a toy louange, & gloyre.

CCLX [=CCL] .

Le jeune Archier veult chatouiller Delie:
Et, se jouant, d’une espingle se poinct.
Lors tout soubdain de ses mains se deslie,
Et puis la cherche, & voit de poinct en poinct:
La visitant luy dit: Auroys tu point
Traictz, comme moy, poingnantz tant asprement?
Je luy respons: Elle en à voyrement
D’aultres asses, dont elle est mieulx servie.
Car par ceulx cy le sang bien maigrement,
Et par les siens tire & l’ame, & la vie.

CCLXI [=CCLI] .

Au commun plainct ma joye est convertie
De dueil privé en mon particulier,
Par la Fortune en mon sort compartie,
Quasi pour moy un malheur familier,
Qui m’à frustré de ce bien singulier,
Parqui raison contre debvoir opine.
Doncques voyant la tresriche rapine
En main d’aultruy, indigne d’elle, enclose,
De mon labeur me fault cueillir l’Espine
Au loz, & heur de qui à eu la Rose.

CCLXII [=CCLII] .

Le Ciel de soy communement avare,
Nous à cy bas heureusement transmys
Tout le hault bien de parfection rare,
Duquel il s’est totalement demys,
Comme qui veult ses chers, & sainctz amys
D’aulcun bienfaict haultement premier.
Car il à plut (non de ce coustumier)
Toute Vertu en ces bas lieux terrestres
Soubz ce grand Roy, ce grand Francoys premier,
Triumphateur des armes, & des lettres.

CCLXIII [=CCLIII] .

Par tes vertuz excellentement rares
Tu anoblis, ô grand Roy, ce grand Monde.
Parquoy ce Siecle aux precedantz barbares
S’enfle du bien, que par toy luy abonde:
Et l’Univers cline sa teste ronde
A ta statue aux Cieulx resplendissante,
En contemplant la Fame, qui luy chante,
L’Eternité, qui tousjours luy escript,
La Gloyre aussi, qui a l’orner se vante
Par temps, qui n’à aulcun terme prescript.

CCLXIIII [=CCLIIII] .

Si le blanc pur est Foy immaculée,
Et le vert gay est joyeuse Esperance.
Le rouge ardent par couleur simulée
De Charité est la signifiance:
Et si ces troys de diverse substance
(Chascune en soy) ont vertu speciale,
Vertu estant divinement Royalle,
Ou pourra lon, selon leur hault merite,
Les allier en leur puissance esgalle,
Sinon en une, & seule Marguerite?

CCLXV [=CCLV] .

De la clere unde yssant hors Cytharée,
Parmy Amours d’aymer non resoulue,
En volupté non encor esgarée,
Mais de pensée, & de faict impolue,
Lors que Prognes le beau Printemps salue,
Et la Mer calme aux ventz plus ne s’irrite,
Entre plusieurs veit une marguerite
Dans sa Coquille, & la prenant j’eslys
Ceste, dit elle, en prys, lustre, & merite,
Pour decorer (un temps viendra) le Lys.

CCLXVI [=CCLVI] .

Povre de joye, & riche de douleur
On me peult veoir tous les jours augmentant:
Augmentant, dy je, en cest heureux malheur,
Qui va tousjours mon espoir alentant.
Et de mon pire ainsi me contentant,
Que l’esperance a l’heure plus me fasche,
Quand plus au but de mon bien elle tasche.
Dont n’est plaisir, ny doulx concent, que j’oye,
Qui ne m’ennuye, encores que je sache
Toute tristesse estre veille de joye.

CCLXVII [=CCLVII] .

Tu es, Miroir, au cloud tousjours pendant,
Pour son image en ton jour recevoir:
Et mon coeur est aupres d’elle attendant,
Qu’elle le vueille aumoins, appercevoir.
Elle souvent (ô heureux) te vient veoir,
Te descouvrant secrette, & digne chose,
Ou regarder ne le daigne, & si ose
Ouir ses pleurs, ses plainctz, & leur sequelle.
Mais toute dame en toy peult estre enclose,
Ou dedans luy aultre entrer n’y peult, qu’elle.