Les danses menuet
Marie Krysinska

Poème Les danses menuet

A N. Lebeau.

La soie fleurie
Des longs corsages
Palpite d’amour libertine et discrète.
Les galants paniers
Où éclosent
Des roses
Brodées
Se bercent au rythme lent et mesuré
Du menuet.
Et près de l’oreille: vivant rocaille
Le précieux éventail.
Bat de l’aile comme un oiseau
Mourant.
Car le bien-aimé,
(En pourpoint
De satin)
Y vient roucouler
Un mot si osé.
Vraiment.
Que sous la neige légère des cheveux
Et près des souriantes lèvres
Le gracieux visage devient aussi rose
Qu’une rose
En porcelaine de Sèvres.

A Robert Bernier.

Flottez les jupes vives! volez ô les chevelures brunes!
Ollé!
Les feux de joie sont allumés
Aux noires prunelles énamourées
Comme les Nuits
Ollé!
Palpitantes guitares
Sur des rythmes barbares
Comme des gorges pamées
Doucement sanglotez!
Ollé!
Les paumes frappent dans les paumes
Et les tambourins bourdonnent et sonnent
Comme des abeilles enivrées
Du sang des roses
Ollé!
Et vos coeurs en liesse,
Coeurs jaloux de traîtresse -
Sous la peau mieux brillante qu’une lame -
Eperdûment battez
D’amour profonde et folle
Ollé!

A Georges Auriol.

Les colliers de sequins
Sur les seins
Frissonnent et brillent comme du beau
Soleil dans l’eau.
Les longues pendeloques
En de lascifs colloques,
Vers l’oreille entrechoquent
Leurs chapelets
Dorés.
C’est l’âpre danse
Du vieil Orient
Sanguinaire et sensuel.
Les flancs virent mollement
Et ondoient comme des vagues
Et se tordent ainsi que des serpents,
Sous le charme de quelque incantation vague.
Et tandis que harcelée par les miaulements
Rauques de la derbouka
Et stimulé
Par les
Nerveuses crotales,
La jupe de l’almée
Se gonfle d’air
Comme une voile
Sur la mer.
Son seigneur turbané de lin clair,
La regarde au travers
Des fumées bleues du narguilhé
Et songe que ce soir, il pourra étancher
Sa soif jalouse d’elle, en faisant couler
Son joli sang rouge sur ces seins,
Où frissonnent et brillent les sequins.