À Maurice Rollinat
Il agonise, l’oiseau crucifié, l’oiseau crucifié sur la porte.
Ses ailes ouvertes sont clouées, et de ses blessures, de grandes perles de sang tombent lentement comme des larmes.
Il agonise, l’oiseau crucifié!
Un paysan à l’oeil gai l’a pris ce matin, tout effaré de soleil cruel, et l’a cloué sur la porte.
Il agonise, l’oiseau crucifié.
Et maintenant, sur une flûte de bois, il joue, le paysan à l’oeil gai.
Il joue assis sous la porte, sous la grande porte, où, les ailes ouvertes, agonise l’oiseau crucifié.
Le soleil se couche, majestueux et mélancolique, – comme un martyr dans sa pourpre funèbre;
Et la flûte chante le soleil qui se couche, majestueux et mélancolique.
Les grands arbres balancent leurs têtes chevelues, chuchotant d’obscures paroles;
Et la flûte chante les grands arbres qui balancent leurs têtes chevelues.
La terre semble conter ses douleurs au ciel, qui la console avec une bleue et douce lumière, la douce lumière du crépuscule;
Il lui porte d’un pays meilleur, sans ténèbres mortelles et sans soleils cruels, d’un pays bleu et doux comme la bleue et douce lumière du crépuscule;
Et la flûte sanglote d’angoisse vers le ciel, – qui lui parle d’un pays meilleur.
Et l’oiseau crucifié entend ce chant,
Et oubliant sa torture et son agonie,
Agrandissant ses blessures, – ses saignantes blessures, –
Il se penche pour mieux entendre.
Ainsi es-tu crucifié, ô mon cœur!
Et malgré les clous féroces qui te déchirent,
Agrandissant tes blessures, tes saignantes blessures,
Tu t’élances vers l’Idéal,
A la fois ton bourreau et ton consolateur.
Le soleil se couche majestueux et mélancolique.
Sur la grande porte, les ailes ouvertes, agonise l’oiseau crucifié.