A Gaston de Raimes.
Par les champs, par les villes,
La Charité chemine;
Elle chemine à petits pas,
Car ses pieds sont délicats
Sont las
D’avoir dansé.
Elle a du pain rassis
Dans sa sacoche
En peau de crocodile.
Elle a du pain rassis
Pour les oiseaux
Dignes d’intérêt:
Poules et canards
Qui seront plus tard
Bons à croquer.
Dans les branches réveillées
Par le compatissant Printemps,
Les moineaux se congratulent
Et dédient au compatissant Printemps
De jolis sonnets,
De mignons rondels
Et des cavatines charmantes;
Car tout l’hiver ils ont mangé
De la vache enragée.
La Charité se dit:
Vous n’aurez pas de mon pain rassis,
Petits bons à rien
Qui perdez votre temps à chanter; -
Je le garde, mon pain rassis
Je le garde pour les oiseaux
Dignes d’intérêt.
Elle marche sur les marguerites
Et sur les trèfles roses;
Portant dans son coeur vide d’amour
De vastes projets
Et sous son front morose
Des pensers moroses;
Sans voir les bleuets
Bleus comme le ciel -
Et le ciel bleu
Comme les bleuets.
Or, un vieux pauvre assis
Sur la route au soleil
Oubliant ses durs soucis,
Bénissait le soleil.
Et comme passait la chagrine Figure,
Il la prit en pitié,
Lui voyant un front si morose:
Celle-ci dit-il -
Est plus pauvre que moi.
Et quittant sa place
Sur la route au soleil,
Le pauvre s’approcha d’Elle
Et, très timidement,
Lui donna un sou,
3 août 1889.