A Xavier Krysinski.
L’Être blanc au pur regard, à la lumineuse chevelure, suit nos pas tout le long de la vie.
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L’enfant le voit, tendre et doux, se pencher sur son sommeil,
Et notre premier sourire est pour l’Être blanc Au pur regard.
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Plus tard, ainsi qu’un frère aîné, il nous conduit par la main;
Indulgent et joyeux,
Il pleure seulement s’il voit notre visage déshonoré
Par une grimace laide, -
Car il veut qu’on soit beau et qu’on lui ressemble L’Être beau au pur regard.
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Et quand est disparue la fraîche ronde des insoucieuses années;
Quand le dernier clair rire et la dernière petite robe s’envolent au ciel des souvenirs,
Quand nos âmes, encore virginales, frissonnent au vent d’indicibles angoisses;
Et que nos yeux extasiés versent des pleurs dans la solitude des nuits;
C’est l’Être blanc au pur regard
Qui, de son aile diaprée, Essuie nos larmes.
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Puis vient l’heure des luttes héroïques:
L’Indifférence aveugle et sourde qui fait nos coeurs desséchés et pareils à du bois mort,
L’Hypocrisie au sourire fardé,
La Bêtise lâche et féroce,
Rendent nos bras lassés et nos âmes sans courage;
Alors, douloureusement, il voile sa face, l’Être blanc au pur regard;
Car il veut que, semblables à lui, Nous gardions notre splendeur et notre beauté premières.
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Dans les murmures des bois, par les matins ensoleillés:
Dans la grondante vois de la mer,
Dans le silence mélancolique des soirs,
Dans la douleur et dans la joie,
Au milieu su saint émoi dont nous vibrons quand l’aile prodigieuse de l’Art nous effleure; -
Et au milieu des hymnes de flamme que chantent nos coeurs à l’Amour victorieux et sublime;
Qui, consolant et radieux, Suit nos pas tout le long de la vie.
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Et lorsque notre tête lasse s’endort dans la fraîcheur paisible du tombeau,
Encore bercée par la chanson lointaine et douce des souvenirs, comme l’enfant sur les genoux de sa mère,
Il accompagne notre âme, par delà les bleus éthers et par delà les étoiles, jusqu’au Portique du Ciel grand ouvert;
Portant, dans sa tunique de lin immaculé, les belles fleurs aux parfums ineffables qui sont nos belles actions;
Tandis qu’avec des rythmes de harpes triomphales, flotte sa lumineuse chevelure.
9 février 1884.